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essentiels se retrouvent épars dans les deux volumes de la Female Life in prison. Miss Carpenter, dans ses argumentations un peu prolixes, s’appuie indifféremment sur l’un ou l’autre de ces deux ouvrages, et cite le roman tout aussi volontiers que les mémoires. Romans, mémoires, voire le traité didactique, s’enchaînent et se soutiennent ; on sent qu’il y a là un sujet sérieux, sérieusement étudié, une bonne volonté certaine, une sincérité parfaite et une série complète de précieux enseignemens empruntée au contact assidu, quotidien, des plus repoussantes et des plus navrantes réalités. Le public anglais ne s’y est pas trompé ; avec le bon sens qui lui est propre, il n’a ni dédaigné, ni décliné les témoignages et les conseils que deux simples femmes ne craignaient point de lui offrir, et nous croyons pouvoir affirmer qu’il a été fort bien avisé en ceci, car un débat parlementaire, — même de ceux qu’on remarque, — n’aurait certainement ni mieux éclairé certains côtés de la question, ni mieux appelé l’opinion à se prononcer sur les défauts et les lacunes de l’organisation qu’il s’agit de perfectionner.

Ainsi qu’on doit bien s’en douter, les deux authoresses n’ont point négligé de traiter avec une sollicitude toute fraternelle ce qui touche à la condition des femmes sur qui pèsent les rigueurs de la loi pénale. Miss Carpenter leur a consacré un chapitre de sa consciencieuse étude[1], et les quatre volumes de la « matrone » anonyme n’ont pas, à vrai dire, d’autre sujet. Malgré l’intérêt que pourrait offrir cet ordre de considérations spéciales, nous devons les négliger pour serrer de plus près le sujet principal de cette étude. Un jour sans doute, il y aura lieu de revenir, sous une forme peut-être un peu moins didactique, à cet aperçu particulier de la vie des femmes dans les prisons. Nous nous bornerons pour le moment à consigner ici une observation singulièrement suggestive, émanée d’un des hommes les plus compétens en pareille matière, sir Joshua Jebb, sur la distinction à établir dans le régime des prisons d’hommes et des prisons de femmes. « Les convicts mâles, a-t-il dit avec l’autorité de sa vieille expérience, doivent être réglementés en masse, et abstraction faite de leur caractère individuel. L’individualité au contraire doit servir à déterminer les procédés dont on use envers les convicts de l’autre sexe[2]. »

Reprenons maintenant, au point où nous l’avons laissé, l’historique du régime des prisons en Angleterre.

  1. Le chapitre IV du tome II, p. 205-277.
  2. Female Life in prison, t. Ier, p. 124.