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bonnes notes, les G. et les V. G. (good et very good), sont données non pas à la conduite, mais au travail, non pas à la quantité ni à la qualité du travail, mais à la bonne volonté, au zèle apparent du travailleur. Ces bonnes notes lui assurent un salaire dont une fraction minime lui est immédiatement comptée, tandis que le reste, soigneusement amassé, forme une épargne toujours croissante qui lui sera remise à l’expiration de sa peine.

Ce n’est pas tout. Le convict a sa charte, ses droits reconnus, qu’il maintient avec une remarquable ténacité envers et contre tous. Le poids de sa ration est fixé : au déjeuner, une pinte de thé, une pinte de cacao ; le thé comporte trois quarts d’once de sucre brut, le cacao deux onces de lait et trois quarts d’once de mélasse ; au dîner, quatre fois par semaine, six onces de viande sans os, une livre de pommes de terre, six onces de pain ; au souper, même quantité de pain et une pinte de gruau d’avoine. S’il lui prend fantaisie de soupçonner qu’on lui fait tort de quelque chose, il peut exiger que son repas soit pesé devant lui. Il l’exige souvent, et par pure taquinerie. De même pour la durée de sa peine. Sans qu’une clause formelle lui garantisse cet avantage, il sait que l’usage administratif, — fondé sur l’encombrement habituel des pénitentiaires, — est de libérer avant terme les condamnés contre lesquels ne s’élève aucun grief spécial. Ce n’est donc pas comme récompense, c’est comme un droit qu’il attend cette délivrance anticipée, c’est comme un droit qu’il l’obtient moyennant la simple observation des règlemens, en vertu d’une soumission peu méritoire et sans avoir donné la moindre garantie sérieuse d’un véritable retour au bien. En travaillant plus ou moins mal de huit à neuf heures par jour[1]et en ne donnant aucun signe extérieur de mécontentement ou d’humeur séditieuse, un condamné à quatre ans passe, après deux mois d’emprisonnement cellulaire, dans la première classe du premier degré. Chaque degré a trois classes. Sauf les cas de punition, le convict, au bout d’un an, a gagné d’abord un, puis deux galons rouges : autant vaut dire qu’il est arrivé à la troisième classe. Il passe au second degré, ce qu’indiquent deux galons bleus ajoutés à ceux qu’il avait déjà. Un an de plus le conduit au troisième, qui lui vaut certains privilèges, certaines missions de confiance et un costume différent de celui qu’il portait jusqu’alors. Il est ainsi parvenu au terme minimum de sa captivité, qui légalement peut être réduite d’un quart.

  1. Voici, on été, la journée du convict ; lever à 5 heures, déjeuner à 5 h. 3/4 en cellule, prière à 6 h. 1/4, départ pour le travail à 6 h. 3/4, retour à midi, dîner en cellule ; le travail est repris à 1 h. 1/4 ; on en revient à 6 heures ; souper à 6 h. 1/2 ; de 7 heures à 7 h. 3/4, menus soins de propreté, rangement d’outils, lecture ; à 7 h. 3/4, les hamacs sont mis en place. A 8 heures, les lumières s’éteignent.