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chose qu’une garantie de cet ordre, donnée par l’autorité chargée de sévir au public dont elle doit sauvegarder la sûreté.

Smithfield est une ancienne prison de Dublin, appropriée tant bien que mal à sa nouvelle destination. On y dort en cellule, mais, à part ce détail, rien n’y révèle l’idée d’un établissement pénitentiaire. Ce serait plutôt une vaste maison meublée où l’on aurait installé des ateliers communs. Plusieurs petits jardins égaient la cour de l’établissement. Au réfectoire, qui sert le soir de salle d’étude, on n’apporte plus les rations accoutumées. Chaque convive puise, selon ses besoins, dans les plats servis pour tous. Jusque parmi les moindres détails se retrouve cette préoccupation de ne point conserver les us et coutumes qui tendraient à rappeler la captivité passée. Le directeur (governor) ne veut plus qu’on lui donne ce titre ; il est, prenez-y garde, le surintendant. La règle n’en est pas moins suivie, mais elle souffre plus d’allégemens et d’exceptions. Sur ce qu’ils gagnent maintenant, les détenus peuvent employer jusqu’à 6 pence (60 centimes) par semaine à leurs menus plaisirs. Ils vont, par détachemens, travailler en ville, à travers les rues populeuses, sous la garde d’un seul agent. Les mieux notés sont, à chaque instant, chargés de quelque mission au dehors, parfois d’achats à faire, d’argent à porter, et s’en acquittent avec la plus scrupuleuse fidélité.

Lusk est une vaste lande à quinze milles de Dublin. Les convicts y défrichent une certaine étendue de terrain qui, fertilisée par eux et transformée en jardin à leur usage, sera plus tard de facile défaite. Ils y habitent des huttes ou baraques en fer doublé de planches, pareilles à celles du camp d’Aldershot, elles-mêmes construites sur un modèle employé devant Sébastopol[1]. Chacune de ces huttes renferme cinquante hommes placés sous la surveillance de trois officiers. Elles se démontent et peuvent se transporter, à peu de frais, sur tout emplacement où on aurait à installer un atelier. On avait érigé, dans le voisinage immédiat des baraques, un corps de garde destiné à loger un certain nombre de policemen. Épreuve faite, on a renoncé à garnir ce poste, et deux compagnies de convicts, fortes de cinquante hommes chacune, fonctionnent sous les ordres de six surveillans sans armes. Ces surveillans travaillent eux-mêmes avec les convicts. Ces derniers jouissent comparativement d’une liberté à peu près complète. De leur travail, réellement profitable et qui vaut à peu de chose près celui d’un ouvrier ordinaire[2],

  1. Ces constructions élémentaires coûtent chacune 330 livres sterling, soit, en monnaie française, 8,250 francs.
  2. Il est évalué, par une autorité compétente, à 1 schelling 6 pence, tandis que la journée de l’ouvrier libre se paie 1 shelling 8 pence dans les mêmes conditions et sur le même marché,