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réverbère. Il fallait cependant trouver une explication pour le troisième équivalent de craie. On a reconnu aujourd’hui que cet excès compense une réduction trop forte de la craie à l’état de chaux, et que cette chaux intervient pour augmenter dans la soude brute la proportion de soude libre pu soude caustique, ce qui présente certains avantages. Cette théorie nouvelle a rendu compte de plusieurs phénomènes, depuis longtemps signalés par MM. Pelouze, Scheurer-Kestner et jusqu’ici inexpliqués, qui se produisaient pendant le lessivage ; elle a donné des indications précieuses sur la nécessité d’éviter un contact trop prolongé des lessives avec le marc de soude, sur l’espèce de grillage que peuvent subir les sulfures, soit dans le four, soit pendant l’exposition à l’air humide.

Reprenons un peu le cours de ces opérations : décomposition du sel marin par l’acide sulfurique, décomposition du sulfate de soude par le charbon et la craie dans le four à réverbère, lessivage de soude brute formée sur la sole du four. Dès la première opération, nous voyons intervenir un corps des plus importans dont l’industrie nouvelle a déterminé la production en grand, l’acide sulfurique. En peu d’années, un procédé des plus remarquables fut trouvé pour fabriquer l’acide sulfurique, et cette grande industrie, marchant parallèlement avec celle de la soude, dont elle était issue, a véritablement bouleversé toutes les industries chimiques. C’est à l’aide de l’acide sulfurique en effet, le plus puissant des acides usuels dans des circonstances données, que l’on parvient, soit directement, soit indirectement, à extraire de différens sels la plupart des acides employés dans les laboratoires et dans les arts. C’est grâce à lui que l’on obtient économiquement l’acide chlorhydrique, qui a rendu de si grands services aux papeteries, aux blanchisseries, aux usines d’impression des tissus, qui sert à. la préparation de la gélatine, du sel ammoniac, du chlore enfin, et des hypochlorites désinfectans et décolorans ; l’acide carbonique, utilisé industriellement dans la préparation des eaux gazeuses, l’extraction du sucre de betteraves, la fabrication des bicarbonates alcalins ; l’acide azotique, le plus puissant agent d’oxydation, qui dissout tous les métaux, même l’or[1] et le platine, quand il est uni à l’acide chlorhydrique, et à ce titre est indispensable dans toutes les industries qui s’exercent sur ces métaux et leurs alliages ; les acides tartrique, citrique, acétique. L’acide sulfurique lui-même a permis de transformer en engrais puissans les phosphates fossiles, d’obtenir économiquement les sulfates d’alumine, de potasse, de

  1. De là le nom d’eau régale donné anciennement au mélange liquide des acides nitrique et muriatique qui dissout l’or, appelé à cette époque le « roi des métaux. »