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sans catastrophe violente. Bientôt les Santoriniotes s’étaient rassurés, et chaque jour une foule de curieux venait aborder au rivage de Nea Kameni. On s’asseyait sur le bord de la mer, en face de l’île nouvelle, pour admirer le curieux phénomène qu’on avait devant les yeux et se livrer à des dissertations interminables sur les causes probables qui l’avaient déterminé. Une des questions qui occupaient les esprits était celle de savoir quel nom on donnerait au nouvel îlot, chacun avait son nom de prédilection ; enfin, quelqu’un ayant proposé de l’appeler George Ier en l’honneur du souverain de la Grèce, ce nom s’est trouvé adopté par tout le monde, excepté par le jeune monarque, qui a protesté, assure-t-on, en disant que son humeur pacifique et son rôle de roi constitutionnel lui interdisaient d’être le parrain d’un volcan. Malgré cela, le nom est resté. L’île George a continué de se développer: dès le 6 février, elle était réunie à Nea Kameni; quelques jours plus tard, elle couvrait toute l’anse de Voulcano, bientôt même elle en dépassait l’ouverture. Elle s’est transformée en un monticule situé sur la rive méridionale de Nea Kameni, s’avançant dans la mer, vers le sud, sous la forme d’un promontoire. En même temps que ce premier centre se développait, les allures en devenaient moins tranquilles, et on y entendait des détonations qui, d’abord rares et faibles, ne tardèrent pas à augmenter d’intensité. Il s’y produisit aussi quelquefois des projections de petits fragmens de lave. Cependant, jusqu’au 20 février, les matières ainsi expulsées furent toujours assez peu volumineuses pour ne causer aucun danger.

Pendant que ces phénomènes suivaient leur cours au niveau de l’anse de Voulcano et dans la région voisine de Nea Kameni, le mouvement éruptif devenait de plus en plus marqué vers la pointe sud-ouest de cette île. Le 8 février, on avait déjà remarqué que la mer était de ce côté très chaude et très fortement colorée en jaune verdâtre. Les dégagemens gazeux y étaient aussi d’une abondance extrême. Le lendemain, au milieu de la journée, on vit tout à coup, dans la direction du sud-ouest, les eaux entrer pendant quelques instans en ébullition; de grosses bulles de vapeur vinrent éclater à la surface de la mer, il y eut même projection brusque d’une multitude de petits morceaux de lave scoriacée. Le 13 février apparut à environ 50 mètres de la côte une nouvelle île, que les membres de la commission scientifique envoyée par le gouvernement grec appelèrent Aphoessa du nom du bateau à vapeur qui les avait amenés à Santorin. Aphroessa était comme l’île George composée de blocs de lave incohérens. Sur quelques-uns, formant auparavant le fond de la mer, se trouvaient fixés des mollusques et d’autres débris d’origine marine. Ils étaient portés et soulevés par d’autres blocs de lave sortie à l’état fluide du sein de la terre et bientôt solidifiée. L’accroissement d’Aphroessa semble s’être fait plus lentement et moins régulièrement que celui de l’île George. Le premier jour, le sommet de l’îlot, après s’être élevé d’un mètre ou deux au-dessus du niveau de la mer, s’est enfoncé trois ou quatre fois au-dessous; il n’est devenu stable qu’à la fin de la journée. Tout alentour, l’eau de la mer s’é-