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pierre qui était tombée près de la porte d’entrée, à l’intérieur de l’édifice, et s’y était brisée en éclats. Dans l’église catholique, un bloc de lave de plus d’un mètre cube était venu s’abattre près de l’autel, et s’était enfoncé dans le sol après avoir fait une large trouée à la voûte. Le chemin dirigé perpendiculairement au quai était défoncé et encombré par des masses de laves projetées, dont quelques-unes avaient un volume énorme. Ces masses, arrondies et fendillées à la surface par le retrait qu’elles avaient subi au moment du refroidissement, avaient été certainement lancées à l’état de boules pâteuses incandescentes, et ne s’étaient solidifiées qu’au milieu de l’air. Plus au sud, près du rivage, il existait des sources abondantes d’eau salée dont la température était de 70 degrés. L’eau qui en sortait était chargée de sels de fer, et possédait par suite une coloration verdâtre; elle déposait un épais sédiment ferrugineux d’un jaune rouge. Tout autour du promontoire formé par l’île George, la mer était également très chaude et colorée par des sels de fer. Vers le sud-ouest, l’eau atteignait sur les rives 80 degrés. Il s’en dégageait un nuage de vapeur tellement épais, qu’on ne pouvait rien distinguer à une distance de quelques pas. Il était impossible aux embarcations de séjourner longtemps dans cet endroit, la poix qui les enduit y aurait fondu infailliblement. Nous sommes montés au sommet du promontoire formé par l’île George. Cette escalade n’était pas sans danger. La mobilité et la haute température des blocs rendaient l’entreprise assez difficile. Nous avons pu néanmoins parcourir un espace d’environ cinquante mètres au sommet du plateau, mais au-delà les gaz qui se dégageaient du milieu de la lave étaient tellement brûlans, qu’il n’y avait plus moyen d’avancer. Des craquemens souterrains et des éboulemens continuels nous avertissaient en outre des périls qui nous entouraient. Du point où nous étions arrivés, nous pouvions cependant constater que l’île George ne présentait pas de véritable cratère. Il existait seulement vers l’extrémité ouest plusieurs fentes étroites au fond desquelles on apercevait, même en plein jour, la lueur rougeâtre de la lave brûlante. Il s’en dégageait des torrens de vapeur d’eau et exactement les mêmes produits volatils qu’au Vésuve et à l’Etna; mais, comme la température décroissait rapidement du centre à la périphérie du monticule, les fumerolles à température élevée étaient peu importantes et comme effacées par les autres. Parmi ces dernières, les plus abondantes étaient celles qui sont caractérisées par le dégagement de l’acide suif hydrique; aussi tout le pourtour du promontoire était-il garni d’un épais dépôt de soufre, qui provenait de la décomposition de cet acide au contact de l’air. L’eau de la mer dans quelques points du voisinage était blanche comme du lait à cause du soufre qu’elle tenait en suspension à l’état de poudre impalpable. Après avoir fait ainsi l’ascension de l’île George, nous nous sommes rembarques pour faire le tour d’Aphroessa. Le centre de cet îlot était formé par des blocs incandescens. De tous les interstices, on voyait sortir une fumée roussâtre très épaisse. Il s’y produisait à chaque instant de violentes détonations accompagnées de