Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/1035

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors entre la Prusse et la Russie, dont il serait intéressant de surveiller les commencemens et les suites. Il est certain d’ailleurs que si la Russie ne fait aucun effort sur elle-même, que si elle n’élève pas le niveau de sa vie politique intérieure, que si elle ne donne au monde aucun signe de sa participation à la vie moderne, sa figure en Europe ira diminuant tous les jours, et elle ne sera plus, elle aussi, regardée que comme une puissance asiatique, mais d’une tout autre espèce que l’Angleterre.

Nous n’avons pas la pensée d’insister en ce moment sur les chances nouvelles du système fédératif européen. Nous ne voulons qu’indiquer un sujet d’études qui va s’imposer aux hommes d’état; nous ne saurions avoir la présomption d’en disserter prématurément et au pied levé. Dans l’appréciation des combinaisons que le nouvel ordre de choses pourra présenter, il faudra garder une mémoire exacte des leçons de l’histoire et se défendre des conceptions romanesques. On ne peut parler des alliances de la France et omettre l’Italie. Les Italiens sortent d’assez mauvaise humeur de la crise actuelle; la condition de la France, qui a moins qu’eux encore le droit d’être contente, devrait arrêter l’expression de leur chagrin. En dernier résultat, les Italiens, malgré le peu de bonheur qu’ils ont eu à la guerre de terre et de mer, obtiennent la Vénétie et achèvent leur unité territoriale. A vrai dire, le regret des Italiens est de ne point avoir gagné par des succès militaires les avantages qui leur échoient. Ils feront sagement d’en finir le plus tôt possible avec leurs regrets et leur dépit, et de ne point songer davantage au Tyrol, qu’ils ont été obligés d’évacuer après en avoir occupé la plus grande partie. Des matières plus sérieuses devraient attirer l’attention des hommes d’état italiens. Il y a par exemple dans la rédaction du prochain traité relatif à la cession de la Vénétie une question de forme qu’il y aurait intérêt à résoudre selon le désir des Italiens. Nous craignons que l’Autriche ne veuille recommencer à propos de la Vénétie ce qu’elle a pratiqué à Zurich pour la cession de la Lombardie; l’Autriche fit alors par un instrument cette cession à la France, qui par un autre instrument la transmit à l’Italie. Pourquoi l’Autriche voudrait-elle éviter encore aujourd’hui de se trouver directement en présence du cessionnaire réel, et se cacherait-elle avec une affectation puérile derrière un intermédiaire? Pourquoi ne se déciderait-elle pas enfin à conclure avec l’Italie une véritable paix? Ses peuples ont après tout des intérêts d’industrie et de commerce communs avec les intérêts des populations italiennes, et qui peut prédire d’ailleurs à Vienne que des nécessités futures n’obligeront jamais l’Autriche à se rapprocher de l’Italie? Par une opiniâtreté futile, la cour de Vienne en cette occurrence compromettrait peut-être d’importans intérêts. Il serait plus simple et plus digne que l’Autriche entrât en négociation directe avec l’Italie; si l’on tenait à maintenir le souvenir de la cession de la Vénétie à la France, on en ferait mention dans le préambule du traité. Si même l’on voulait marquer davantage l’intervention de la