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ainsi qu’elle répondrait à la vue de tant de lettres qu’on lui attribue, qu’elle n’a jamais écrites, et qui lui offriraient, quoique datées de 1770 à 1780, le caractère d’écriture qu’elle devait avoir seulement dans la seconde moitié de sa vie. Elle dirait du collectionneur, avec la comtesse Olivia : « He hath been most notoriously abus’d; il a été très manifestement trompé. »

M. Feuillet pourrait mieux que personne, s’il y mettait un peu de complaisance, nous éclairer et s’éclairer lui-même sur tout cela-, mais on dirait qu’il prend plaisir à s’envelopper de nuages. Que penser par exemple de la réponse qu’il nous donne enfin, dans son introduction récente, au sujet d’un prétendu cahier de lettres de l’archiduchesse dauphine ou reine de France à sa mère et à ses sœurs, lettres par lui copiées, assure-t-il, aux archives impériales de Vienne ? Je lui avais dit publiquement que son indication était obscure ou incomplète ou erronée, puisqu’on m’avait affirmé des archives de Vienne qu’on n’y possédait pas et qu’on n’y avait pas connu un tel cahier. Voici qu’après un long silence M. Feuillet déclare tout crûment qu’un pareil témoignage ne peut pas venir des archives elles-mêmes, « à coup sûr. » On jugera de l’absolue nécessité que sa déclaration m’impose de lui dire que c’est de M. d’Arneth lui-même, sous-directeur des archives impériales, que je tiens cette assurance : il faut absolument qu’il la prenne au sérieux. M. d’Arneth m’a écrit de Vienne, en date du 7 septembre dernier : « Il n’existe pas, ni aux archives de l’état d’Autriche, ni à la bibliothèque particulière de l’empereur, ni, à ce que je sache, autre part à Vienne un cahier de lettres de la reine, excepté la correspondance que j’ai publiée. Je ne sais pas ce que M. Feuillet a en vue ; » et en date du 14 décembre : « Je m’empresse de vous autoriser, monsieur, à dire ou écrire ou faire imprimer que vous vous êtes adressé à moi pour savoir s’il existe aux archives impériales, à Vienne, un cahier de lettres de l’archiduchesse ou dauphine, et que je vous ai répondu qu’il n’y en a absolument pas, excepté la correspondance avec le comte de Mercy, dont la plus grande partie a été communiquée à M. Feuillet de Couches pendant sa présence ici en 1852 et 1854. »

Il est vrai que M. Feuillet a réponse à tout : « Quoi ! s’écrie-t-il d’un ton indigné, je n’aurais pu dire un cahier parce que ce n’était plus qu’un cahier défait et décousu ! » Et de ce même ton avec lequel il vous dit ailleurs : « Étudions en honnêtes gens, » il ajoute ici : « Cessons toutes ces mauvaises querelles et ne jouons pas sur les mots pour faire du bel esprit critique. » A merveille ! mais, en accusant les autres de jouer sur les mots, apparemment M. Feuillet veut rire : c’est son raisonnement qui est décousu, et il