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L’ÉVANGILE ÉTERNEL.

dédiés également à Henri VI. On peut les lire dans le no 3319 de l’ancien fonds, et en partie dans le no 865 de Saint-Victor. Ces textes, très peu arrêtés, se découpaient selon le caprice des compilateurs, et il est difficile d’en fixer l’identité. Ainsi le no 3319 contient à la suite l’une de l’autre deux rédactions différentes de notre commentaire. Il est remarquable du reste que Merlin et la sibylle Erythrée sont souvent cités dans le « Commentaire sur Jérémie ». Ici encore les idées franciscaines éclatent à chaque instant. Frà Salimbene a connu toutes ces prophéties apocryphes et les rapproche du « Commentaire sur Jérémie »[1].

Le De oneribus prophetarum est encore adressé à Henri VI, et porte les mêmes caractères de supposition. Il se trouve dans les manuscrits 3595 de l’ancien fonds, 836 de Saint-Germain et 865 de Saint-Victor (incomplet). Il est clair qu’il y eut chez les faussaires une intention arrêtée de dédier ces pièces apocryphes à Henni VI, pour leur donner un air d’authenticité. Ajoutons que les épîtres dédicatoires sont d’une telle inconvenance et pleines de menaces si injurieuses que le ton seul suffirait pour en démontrer la fausseté[2].

Le De oneribus provinciarum est un ouvrage distinct du précédent. Je ne l’ai trouvé que dans le no 836 de Saint-Germain[3]. C’est un très curieux livre, où l’auteur range par provinces toutes les villes du monde dont il connaît le nom, et prononce sur chacune d’elles un mot prophétique. Indépendamment de l’intérêt d’un pareil ouvrage pour la géographie, on y trouve une foule de renseignemens historiques sur les affaires de la première moitié du XIIIe siècle. L’auteur est dominé par les mêmes préoccupations que le commentateur de Jérémie. L’animosité contre la maison des Hohenstaufen se révèle sans cesse. La Sicile est le foyer de la tyrannie et de l’erreur (alumpna tyrannidis et erroris) ; la Calabre est la caverne des roitelets, le trou des vipères[4]. L’Ombrie et l’Espagne verront s’élever, comme deux étoiles, deux ordres destinés à prêcher l’Evangile du royaume, vêtus de sacs et de cilices. Le diable suscitera contre eux une bête féroce ; c’est la secte des patarins[5].

  1. p. 175-176-, cf. p. 106 et suiv.
  2. Comparez Salimbene, p. 4.
  3. Il semble résulter d’un titre assez vague donné par Fabricius (Bibl. med. et inf. lat. t. IV, p. 40) que cet ouvrage ou le précédent aurait été publié à Venise (1517) à la suite du « Commentaire sur Isaïe. » Je n’ai pu trouver cette édition dans aucune bibliothèque de Paris.
  4. Fol. 83 v., 84.
  5. Fol. 80 v. — Je signalerai quelques autres passages sur les patarins, que M. Schmidt n’eût pas négligés sans doute dans son Histoire des Cathares, s’ils avaient été publiés : « Hæresis Patarena in Lombardiæ terminis invalescens adeo suos circumquaque stimulos pravitatis extendit ut non minus sit infesta catholicis quam olim prophetis Domini fuit Athalia filia Jezabelis, etc. Lombardorum gens impia… Deo detestabilis,… quia quæ de fumo putei, doctrina scilicet seculari, hæreticos imbuit et aerem ecclesiasticæ puritatis infecit, æternæ rhomphæam ultionis necesse est ut non evadat… Verona nutrix hæresis dirum deflebit excidium filiorum (fol. 81 v., 82). — Ut si campus tribulis et urticis, scilicet Patarenis, Gazaris et aliis schismaticis in Tholosa, Livonia (sic) et Ausonia et Liguria diversisque partibus per Italiam occupetur, quum de fumo erroris eorum partes etiam remotissimæ denigrantur. (Fol. 93 v.)