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L’ÉVANGILE ÉTERNEL.

tinction. Ce même Florent, évêque d’Acre, qui remplit les fonctions de promoteur dans la commission d’Anagni, devenu ensuite archevêque d’Arles, présida vers 1260 un concile où il condamna de nouveau les erreurs de Joachim. Or il résulte du discours qu’il tint à ce concile que l’assemblée d’Anagni voulut condamner des opuscules qu’on répandait sous le titre « d’Évangile du Saint-Esprit » et « d’Évangile éternel, » et non les ouvrages mêmes de Joachim, qui étaient restés jusque-là peu lus et non discutés[1]. Enfin frà Salimbene appelle l’ouvrage de son ami Gérard « un petit livre, ». libellum[2]. Malheureusement, embarrassé pour l’honneur de son ordre de toute cette affaire, il évite de nous donner le titre exact de l’opuscule de Gérard.

L’idée que nous sommes amené d’après ces renseignemens à nous former de « l’Introduction à l’Évangile éternel » est celle d’un livre destiné à résumer la doctrine de Joachim et à la faire revivre au profit des idées franciscaines. Toutefois le peu de précision que le moyen âge portait en bibliographie amena sur ce point beaucoup de méprises. Presque toujours le nom ( « ’Évangile éternel » fut appliqué à « l’Introduction ». Nous venons d’en avoir la preuve dans les paroles de l’archevêque Florent au concile d’Arles. Matthieu Paris et Guillaume de Saint-Amour commettent la même confusion, le premier quand il dit que les frères composèrent un livre qui commençait par ces mots : Incipit Evangdium œternum, livre qu’il appelle un peu plus loin : Novus ille liber quem Evangelium œternum nominant[3] ; le second, quand il cite comme de « l’Évangile éternel » des mots qui ne se trouvent pas, du moins avec la même intention, dans les ouvrages de Joachim[4]. Nicolas Eymeric[5]

  1. « Et licet nuper, præsentibus nobis et procurantibus, a sancta Dei sede apostolica damnata fuerit nova quædam, quæ ex his pullulaverat, doctrina venenata Evangelii spiritus Sancti pervulgata nomine, ac si Christi Evangelium non æternum nec a Spiritu Sancto nominari debuisset ; tanquam pestis hujusmodi fundamenta non discussa fueriut nec damnata, liber videlicet Concordantiarum et alii libri Joachitici, qui a majoribus nostris usque ad hæc tempera remanserunt intacti, utpote latitantes apud quosdam religiosos in angulis et antris, doctoribus indiscussi ; a quibus si ruminati fuissent, nullatenus inter sacros alios et sanctorum codices mixti remansissent, quum alia modica Joachitica opuscula, quæ ad corum pervenere notitiam, tam solemniter sint damnata ;… etc. » (Labbe, Conc., t. XIV, col. 241.) Ne semble-t-il pas que Florent eut sous les yeux une note de classement analogue à celle qui se lit à la fin du ms. 1726 de Sorbonne, 29us inter originalia mixta sanctorum ?
  2. P. 102,233,235,236.
  3. P. 1254 (édit. Londres, 1571).
  4. Scripta sunt tria ista verba Mane Thecel Phares in illo maledicto libro quem appellant Evangelium œternum, quod jam in ecclesia propalatum est, propter quod timendum est de subversione ecclesiœ. De peric. noviss. temp., p. 37.
  5. Directorium Inquisitorum, p. 188 (Romæ 1578).