Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
REVUE DES DEUX MONDES.

extra urbem purgandis) ; ceux-ci subsistèrent jusqu’au règne d’Auguste. Le sens qu’avait en latin le mot purgare indique que ces magistrats étaient chargés non-seulement de faire tenir les voies en bon état, mais encore de veiller à ce qu’on ne construisît, qu’on ne déposât rien qui pût les obstruer, gêner la circulation. Les duumvirs commis à la surveillance des voies n’avaient dans leurs attributions que celles qui allaient des portes aux extrémités de la banlieue de Rome. Au-delà commençaient les grandes routes proprement dites ou voies militaires, qui répondaient chez les Romains à ce que sont chez nous les routes impériales. Pour ces routes-là, dès les derniers temps de la république, on avait commencé à nommer des curateurs spéciaux choisis parmi les personnages qui avaient déjà exercé de hautes magistratures. Un certain Thermus, dont nous parle Cicéron, avant de briguer le consulat, avait été curateur de la voie Flaminia, et César, après avoir exercé la questure, fut curateur de la voie Appienne. Il dépensa dans ces fonctions des sommes considérables afin d’accroître sa popularité. C’était presque toujours pareille préoccupation qui faisait rechercher les magistratures telles que celle-ci, où celui qui l’exerçait était entraîné à mettre de son patrimoine. C’est là, il faut le dire, un des beaux côtés du gouvernement de l’ancienne Rome. Ceux qui occupaient les plus hauts emplois, au lieu de recevoir de gros traitemens, contribuaient de leur bourse aux œuvres d’utilité publique. Sans doute cette conduite libérale n’était pas complètement désintéressée, on visait à se faire des électeurs pour monter plus haut ; mais le peuple y trouvait son avantage.

L’institution des curateurs spéciaux pour les voies de l’Italie fut généralisée et définitivement constituée par Auguste. Ces fonctions devinrent permanentes et furent données à vie. Afin d’en relever encore l’importance, Auguste se chargea lui-même de la curatelle delà voie Flaminia, qu’il répara de ses propres deniers. Il choisit pour curateurs des autres voies des généraux qui avaient obtenu les honneurs du triomphe ; c’était un moyen adroit de faire restituer à la chose publique les dépouilles ennemies dont ces généraux s’étaient enrichis. Les curateurs des voies ne formaient pas au reste une institution à part, ils rentraient dans la catégorie de ces différentes sortes de magistrats ou plutôt d’inspecteurs appelés curatores et à qui était confiée la surveillance de tous les grands travaux publics. Il y avait à Rome un curateur des constructions publiques (curator operum publicorum), un curateur du lit et des rives du Tibre (curator ahei et riparum Tibcris), un curateur des eaux et des égouts (curator aquarum et cloacarum). Plus tard, dans certaines circonstances, lorsqu’il s’agissait de grands travaux