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teur de la province. C’était lui qui, en sa qualité de commandant militaire, en ordonnait la construction : de là le nom de voies consulaires ou prétoriennes sous lequel elles furent parfois désignées. On a vu plus haut qu’une des voies de l’Italie avait été continuée jusqu’en Gaule. Ce pays est un des premiers que les Romains dotèrent d’une bonne viabilité ; il fut traversé par de grandes routes qui facilitèrent singulièrement les relations entre nos ancêtres et leurs dominateurs. La via Domitia était due à Domitius Ænobarbus et datait de l’an 629. Le gendre d’Auguste, Agrippa, fit percer quatre grandes lignes itinéraires qui partaient de Lyon et se reliaient sans doute aux tronçons déjà existans dans notre patrie : la première traversait les Cévennes et conduisait dans le pays des Santons (Saintonge) et l’Aquitaine ; la seconde allait vers les embouchures du Rhin ; la troisième menait au littoral de la Manche, à travers le pays des Bellovaques et des Ambiens ; la quatrième descendait vers la Narbonnaise. Ces quatre voies furent comme le canevas sur lequel s’établit le réseau des communications de la Gaule, qui se rattachait à l’ensemble des voies de l’Italie. Au temps de Strabon, on pouvait pénétrer de ce dernier pays en Gaule par trois points, Nice, Suse et les Alpes pennines (le Saint-Bernard). La création de la via Egnatia, qui conduisait d’Apollonie à l’Hèbre et poussait, au temps de Cicéron, jusqu’à l’Hellespont, assura de bonne heure aux Romains leurs communications à travers l’Épire et la Macédoine ; ils s’ouvrirent l’accès de la Germanie par une voie qui reçut, comme celle de la Narbonnaise, l’épithète de Domitia.

Non-seulement le peuple romain voulut avoir des routes qui rendissent les transports aussi rapides que faciles et les mouvemens de troupes toujours praticables ; mais avare d’un temps qu’il savait si bien utiliser, et apportant dans tout ce qu’il exécutait la régularité et la méthode, il eut l’idée d’indiquer au voyageur la longueur du chemin en faisant dresser de mille en mille une stèle ou borne, sur laquelle étaient inscrites les distances des localités voisines. Ces bornes, de forme cylindrique ou quadrangulaire, hautes de 2 mètres environ, reposaient sur un piédestal et étaient en pierre, quelquefois en marbre. On en doit l’introduction au célèbre Caïus Gracchus, qui, entre autres moyens de gagner la faveur populaire, avait déployé un grand zèle pour tout ce qui touchait à la viabilité. Les distances furent comptées des portes de Rome. L’érection du fameux milliaire doré avait fait supposer aux érudits que sous Auguste on les avait toutes rapportées à un point central de la ville marqué par cet édicule ; mais les antiquaires ont démontré dernièrement qu’il ne fallait voir dans ce milliaire qu’une construction commémorative. Quelques-unes de ces bornes romaines ont