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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

mens possibles de durée. Aussi, au VIe siècle, cette voie faisait-elle encore l’admiration générale. L’historien byzantin Procope nous en a laissé une curieuse description. Il la déclare la plus belle des routes qu’il connaisse. Ce qu’il dit de la solidité et de la perfection des matériaux employés et apportés d’assez loin, du soin que l’on avait pris de donner à la chaussée une constitution compacte et si serrée qu’on l’eût prise pour une chaussée naturelle, prouve que les autres voies étaient loin d’offrir une si belle apparence. « Quoique depuis bien des siècles, écrit l’auteur de la Guerre des Goths, cette voie soit journellement parcourue par des chariots et des bêtes de somme, elle est restée dans le meilleur état ; elle n’a subi ni défoncement ni rétrécissement, elle n’a rien absolument perdu de son antique magnificence. » Quiconque a été à Pompéi a pu remarquer la superbe apparence de la voie antique allant de cette ville à Herculanum et qui est encore nettement tracée ; tout y est en place, chaussée, trottoirs, pierres de parement disposées sur les côtés. Les Romains ne négligeaient rien pour l’établissement solide de la voie ; si elle devait traverser un vallon ou un marais, ils bâtissaient une levée pour la soutenir. On observait de ces levées qui avaient dix, quinze et vingt pieds de haut et quinze ou dix-huit milles de longueur. Sur un rocher situé au village de Saint-Geniez, à deux lieues au nord de Sisteron, l’ancienne Segustero, et qui est connu dans le pays sous le nom de Peiro escritto (la pierre écrite), on lit une inscription qui constate que pour établir la voie en cet endroit, on avait taillé les montagnes à vif. C’est également ce qui ressort d’une autre inscription trouvée sur les bords du Lycus, en Asie-Mineure, et qui date du temps de Caracalla. L’élargissement de la voie, nous dit ce monument épigraphique, avait été obtenu par la section des montagnes qui la bordaient : montibus imminentibus cœsis, viam dilatavit. Là où il y avait des surfaces à aplanir, on se servait de cylindres en fer, comme on le fait encore aujourd’hui, et ainsi que le rappelle Virgile dans ses Géorgiques. C’était depuis Caïus Gracchus que les Romains étaient entrés dans le système des grands travaux de viabilité, et que le véritable art de l’ingénieur avait pris la place de l’exécution grossière des chemins dont on se contentait auparavant. Ce grand homme, écrit Plutarque, fit tirer les voies en ligne droite à travers les terres ; il les fit daller et renforcer sur les côtés par une couche de gravier et de sable battus. Quand il se rencontrait des fondrières et des ravins formés par des torrens ou des eaux stagnantes, il les faisait combler ou couvrir de ponts, de façon à avoir une route toujours de la même hauteur et une ligne agréable à l’œil.

Vitruve nous a laissé la description du mode de construction à