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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

l’origine construite avec tout l’art, toute l’élégance qu’on y apporta plus tard. Ce n’est qu’en 293 avant Jésus-Christ que l’on dalla le sentier qui allait de la porte Capène au temple de Mars, sentier qui formait le commencement de la voie. Un peu plus tard, on poussa le dallage jusqu’à Bo villes. En 191 avant Jésus-Christ, on refaisait en pierres dures et l’on élargissait de façon à lui donner l’ouverture d’une véritable voie le sentier compris entre la porte Capène et le temple de Mars, sans doute parce qu’on s’était servi auparavant de la pierre d’Albano, qui est d’une nature tendre et s’use vite. Ce travail nécessita l’aplanissement de la montée dite Clivus Martis.

En Gaule, on a constaté que la construction des voies romaines était beaucoup plus simple qu’on ne l’avait d’abord admis. M. Bruyelle, en étudiant celles du nord de la France, y a reconnu l’absence du statumen et du rudus, c’est-à-dire de la première base de pierres volumineuses posées à plat et du second lit en maçonnerie de moellons cassés et de chaux battue. Tantôt un cailloutis de plus ou moins d’épaisseur remplace ces deux couches, tantôt un amoncellement de terre battue tient lieu de statumen ; un lit de calcaire grossier ou siliceux disposé presque à plat compose le rudus, une couche de calcaire désagrégé ou craie remplace le nucleus. Dans tous les pays crétacés, une dernière couche de silex ou cailloux recouvre le tout et sert de ciment. Dans les pays de calcaire grossier, la chaussée repose ordinairement sur des grès bruts entassés en masses énormes. L’absence de règles fixes pour la construction des voies ressort en particulier de l’inspection du magnifique chemin romain élevé sur l’étang de Berre et appelé chaussée de Marius, en souvenir des travaux exécutés par ce grand homme de guerre pour assurer la navigation à l’embouchure du Rhône. Marius avait fait creuser par ses soldats un canal dans lequel il détourna une grande partie des eaux du fleuve, que les ensablemens rendaient difficilement navigable. C’est ce qu’on appela les fosses Marianes et ce qui permit aux navires de remonter en tout temps de la mer jusqu’à Arles. Le long de ce canal s’étendait une voie romaine encore en partie subsistante, et qui est simplement formée par un empierrement de galets mélangés de pierres et de sable. On doit à M. Alfred Saurel une intéressante dissertation sur ces fossœ Marianœ qui ont valu au village de Fos son nom ; elles montrent quelle intelligence le peuple-roi avait des travaux publics.

Tous ces faits ont été mis surtout en évidence par les recherches persévérantes d’un ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. de Matty de Latour. Presque nulle part il n’a observé la succession régulière et systématique dont nous parle Vitruve. Les Romains ont