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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

ci recourait à tous les moyens pour se créer des ressources ; il usait de ruses ou de violences, et les impôts de circulation dégénérèrent comme bien d’autres en extorsions. Charlemagne et Louis le Débonnaire, au temps desquels ces abus s’étaient déjà produits, tentèrent d’y porter remède et interdirent l’établissement de péages illicites. Leurs prescriptions ne paraissent pas avoir été longtemps observées. Aux droits exigés par les seigneurs vinrent se joindre ceux dont les villes frappaient la circulation. Imitant l’exemple de la noblesse, les bourgeois, réunis en corps, constitués en communes, soumirent à des redevances la faculté d’entrer dans leurs murs. Les droits étaient ordinairement perçus par les baillis, les prévôts des marchands, quelquefois ils les affermaient ; de là des fraudes et des exigences illicites qui retombaient sur les voyageurs.

Tout était local dans l’administration du moyen cage, et ce même caractère se retrouve alors pour la surveillance des voies de communication. L’existence des lignes itinéraires anciennes ou nouvelles que suivaient les armées, les pèlerins ou les marchands, de ce qu’on appelait jadis les chemins ferrés, ou de grande chevauchée, dépendait d’une foule d’autorités étrangères aux intérêts généraux et qui n’avaient chacune en vue que leur canton ou leur paroisse. Les dépenses des routes n’étaient pas encore portées aux budgets provinciaux ; elles incombaient aux communes. Le roi ne se chargeait des travaux à exécuter que dans son domaine et sur les terres dont il était le seigneur immédiat ; encore recourait-il souvent au concours obligatoire des localités qui devaient en profiter, leur imposant une levée spéciale de deniers. D’autres fois les communautés d’habitans fournissaient le principal de la dépense, et le roi se bornait à les aider, à les encourager par une subvention. Chose remarquable, tandis que le principe de la corvée apparaît dans une foule de servitudes féodales, il n’était point appliqué aux grands chemins, et l’on avait abandonné à cet égard les vues des Carlovingiens, indiquées notamment dans un capitulaire de 854. Sans doute le seigneur pouvait obliger son vassal à faire réparer ou entretenir un chemin privé, l’avenue d’un château, mais ces réquisitions passagères ne constituaient pas un système de travaux réguliers destinés à la conservation des voies publiques. Les riverains n’étaient tenus à aucun travail manuel, à aucune contribution spéciale pour assurer le maintien en bon état des voies que les Romains avaient léguées au moyen âge, de celles qui s’étaient depuis eux établies.

On comprend qu’une viabilité si imparfaite fît préférer les voies fluviales aux voies de terre ; on y trouvait d’ailleurs plus de sécurité et moins d’entraves. Aussi y eut-il au moyen âge un retour au mode de transport anciennement usité dans la Gaule. La navigation