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d’un goût agréable et par sa graisse abondante ; chaque individu adulte pesait environ quatre tonneaux. Vingt-sept ans après sa découverte, on tuait la dernière rhytine. Un fragment de crâne conservé dans le musée de Saint-Pétersbourg est tout ce qui reste aujourd’hui de cet utile animal. Aucun autre vestige n’en a été retrouvé malgré toutes les primes qui ont été offertes aux chasseurs de phoques et aux baleiniers qui hantent ces parages. Sans la description que Steller nous en a laissée, nous n’aurions même pas connu l’existence d’une espèce encore vivante au siècle dernier.

Le mammouth lui-même n’appartient peut-être pas à un passé aussi éloigné qu’on l’a cru jusqu’ici. Bien des indices se réunissent pour nous faire admettre qu’il fut contemporain de l’homme. M. Lartet a découvert en 1864, dans une caverne du Périgord, une lame d’ivoire fossile qui porte des incisions constituant un dessin. Cette lame était cassée ; mais en rapprochant les fragmens il était facile de reconnaître que les traits de gravure représentaient une tête d’éléphant à longue crinière, c’est-à-dire une tête de mammouth. Ce grand proboscidien, dont les restes se retrouvent encore partout en si grand nombre, paraît donc avoir été contemporain des premiers habitans du sol de la France. On sait qu’on a plusieurs fois trouvé des cadavres de mammouth parfaitement conservés dans les glaces du pôle. En ce moment même, on attend le retour d’un naturaliste qui est allé reconnaître dans la baie du Tas un mammouth signalé par les Samoïèdes. Comme son aïeul, l’éléphant actuel tend aussi à disparaître du globe ; on sait qu’il devient de plus en plus rare aujourd’hui.

La dernière phase de l’histoire des oiseaux qui peuplaient autrefois les forêts de la Nouvelle-Zélande est très propre à nous faire apercevoir toutes les conséquences de la lutte pour l’existence dans le cas où elle a lieu en champ clos. À l’époque où les Maoris, à la recherche d’une patrie nouvelle, furent jetés à la côte néo-zélandaise, les moas vivaient en grand nombre dans l’intérieur des trois îles, et se nourrissaient probablement des racines d’une fougère qui est très commune dans ce pays. Les immenses forêts qui couvrent ces îles n’offraient aux immigrans d’autre gibier, en dehors des moas, qu’un tout petit rat et quelques oiseaux de petite taille. Il paraît certain en effet que le rat est le seul mammifère indigène de la Nouvelle-Zélande. En fait de nourriture végétale, les racines de fougère représentaient la seule ressource du pays. Les nouveaux habitans firent donc une guerre acharnée aux monstrueux volatiles qu’ils y rencontrèrent, et grâce aux produits de cette chasse leur peuplade prospéra et se multiplia à vue d’œil. Quand les Européens visitèrent ces îles pour la première fois vers la fin du siècle dernier, ils y trouvèrent une population de deux ou trois cent mille âmes.

Les plumes de moa ornaient les armes des Néo-Zélandais ; les œufs se plaçaient dans les sépultures, comme viatique pour le voyage aux sombres bords. Il existe encore des poèmes en langue maori où un père enseigne