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les lois commerciales, les traités internationaux, qui, depuis les réformes de 1861 sous le dernier ministère, ont doté le Wurtemberg d’un régime de liberté industrielle qui ne le cède en rien à celui de la libre Angleterre. Ajouterai-je que M. de Varnbühler est un anti-Prussien fieffé, un Allemand pur sang, servant sa cause et sa patrie avec une activité, une énergie imperturbables, et cela est d’autant plus à remarquer que des liens d’amitié personnelle l’attachaient à M. de Bismark.

Du Wurtemberg on ne saurait plus maintenant séparer la Bavière. Wurtemberg, Saxe et Bavière aujourd’hui ne font qu’un, et M. de Bismark peut se vanter d’avoir lié ce faisceau-là de main de maître. À cet excès d’astuce et d’arrogance, à ce débordement de violences hautaines, les trois rois du sud-ouest n’avaient désormais qu’une force à opposer, la ligue, viribus unitis : il n’y a pas deux manières de marcher contre l’ennemi commun. Rattachée par tous les côtés à la maison de Habsbourg, ayant donné à l’Autriche deux générations de souverains, la famille régnante de Bavière ne peut guère s’empêcher de regarder Munich et Vienne comme deux parties componentes d’un même tout. Et là précisément se trouvait le danger. Le peuple bavarois, fort dévoué à sa dynastie, affectionné surtout au dernier roi Maximilien II, n’en conserve pas moins certaines défiances avec lesquelles il serait très maladroit de vouloir plaisanter. Il déteste l’ultramontanisme, et son œil ne se tourne point sans suspicion du côté de la frontière par laquelle le pays touche à l’Autriche, au Tyrol fanatique. Sur ces ombrageuses velléités, ces répugnances, la Prusse avait beaucoup spéculé, non sans raison. D’autres motifs semblaient également devoir favoriser ses plans. La reine-mère est Prussienne, et le roi Louis Ier, poursuivant pendant tant d’années son œuvre d’artiste, multipliant dans Munich les ateliers de peinture, de sculpture, les écoles d’architecture, éveillant, excitant par les Cornélius, les Schwanthaler, les Kaulbach, les goûts poétiques du pays, traçait une voie de communication intellectuelle avec la Prusse. Entre Munich, tel que l’a fait le roi Louis Ier, et le Berlin de ce noble Frédéric-Guillaume IV, il y avait d’irrécusables affinités. Notons en outre que dans les deux pays existe une classe moyenne, riche, cultivée, an upper middle class, qu’une alliance pure et simple avec l’Autriche pouvait dès le premier abord effaroucher un peu ; mais ici M. de Bismark aura compté sans M. de Bismark, car si mainte affinité se laissait surprendre entre Munich et Berlin, il n’y en a aucune entre le Berlin d’aujourd’hui et celui d’il y a quatre ou cinq ans.

C’est donc la Prusse elle-même qui s’est bénévolement chargée du soin de sauver la Bavière d’une alliance prussienne. On verra par la suite quels profits l’Allemagne et l’Autriche devaient retirer de cette politique de la Prusse, et d’autre part quelle sécurité préparait à l’avenir des institutions libérales cette crainte un moment ressentie à Vienne d’une chance possible de rapprochement entre la Bavière et la Prusse. Quoi qu’il en soit, la chose est maintenant définitive, et ni le jeune roi. Allemand de cœur et d’esprit, ni son premier ministre ne reculeront devant leurs engagemens fédéraux. M. von der Pfordten n’a pour lui ni l’application pratique du baron de Varnbühler, ni la perpétuelle activité de M. de Beust. Son éducation professorale l’éloigné de l’économie politique, de la recherche des