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LA GUERRE EN 1866.

doctrines qui se produisent sur ce sujet nouveau ; il n’a pas encore été donné à ces études de se fixer pour tout le monde avec l’autorité d’une démonstration mathématique.

Quand nous disons que c’est un sujet nouveau, nous voulons dire qu’il s’est depuis peu imposé à l’attention publique, car, si l’on s’en rapportait aux documens officiels, on venait aisément que la plupart des inventions ou des projets qui frappent aujourd’hui les esprits ont mis bien du temps à obtenir la notoriété dont ils jouissent. En ce monde, c’est le lot ordinaire des inventeurs et de leurs inventions. Ainsi c’est depuis la campagne d’Italie, depuis 1859 seulement, que le public a entendu parler du canon rayé, et a su par le Moniteur que la part principale dans la création de cette arme est due à M. le colonel Treuille de Beaulieu, qui prouvait par documens authentiques que les travaux entrepris par lui dans cette direction remontaient jusqu’à l’année 1842. Le temps d’attente a été long sans doute, mais il n’a pas été plus long que celui qui a été imposé en Prusse à l’inventeur du Zündnadelgewehr, du fusil à aiguille, sur lequel sont maintenant fixés tous les regards des militaires.

En effet, c’est en 1848, après un nombre d’années d’études et d’expériences que nous ne saurions préciser, qu’un professeur de chimie à l’université d’Iéna, M. Döbereiner, mort vers 1848, proposa et fit adopter à Berlin l’arme dont toutes les troupes prussiennes sont aujourd’hui pourvues. Vivement prôné par les uns, mais décrié par les autres, le fusil à aiguille parut d’abord n’être appelé qu’à une fortune assez médiocre. En 1849, il n’en avait encore été distribué aux troupes que quelques milliers à titre d’essai plutôt que d’arme réglementaire ; mais en cette année un corps d’armée prussien commandé par le prince de Prusse, aujourd’hui le roi Guillaume Ier, ayant fait dans la vallée du Rhin contre les bandes révolutionnaires la campagne qui se termina par le siège de Radstadt, on fut frappé des avantages que présentait la nouvelle arme, et, malgré les critiques qui persistaient toujours, on décida d’en pourvoir toutes les troupes d’infanterie et de cavalerie.

Néanmoins il fallut encore la campagne du Slesvig, et surtout celle dont nous venons d’être les témoins, pour appeler sur cette arme l’attention publique. Les militaires et les hommes du métier s’en occupaient cependant, et faisaient des efforts pour créer une arme équivalente ou même supérieure ; mais leurs travaux ne sortaient pas de l’enceinte des comités ou des commissions, qui ne semblent avoir encouragé ces essais dans aucun pays. Quant aux gouvernemens, effrayés sans doute des dépenses qu’entraînerait pour eux la création à nouveau de tout le matériel d’armement de