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officielle et commerciale, sans leur indiquer l’origine de l’échantillon. Ils le trouvèrent « assez semblable au sea-island ; » mais, ajoutaient-ils, « d’après les spots et les petits nœuds dont la fibre est constellée, nous sommes portés à croire que ce coton a été produit ailleurs qu’aux États-Unis. Nous le classons sea-island légèrement inférieur. » L’année suivante, ce sea-island était classé parmi les makos plus ou moins supérieurs ; le prix en était descendu de 26 à 19 deniers. Les quatrièmes semis ne donnèrent qu’une fibre décidément irrégulière, quoique fine, et perdue parmi les diverses productions indigènes de l’Egypte. Ajoutons que le climat d’Egypte et le voisinage des bouches du fleuve font de ce point du globe celui qui, après les États-Unis, est peut-être le plus favorable à la culture du sea-island.

Cette difficulté ne fut pas la seule à laquelle vinrent se heurter dans l’Inde les spéculations impatientes. Nous avons dit qu’on avait fait de nombreux chemins de fer, c’est peu dire, on essaya de les improviser. Les voies de communications ordinaires étaient détestables, il est vrai, il était urgent d’y remédier sans retard, et les compagnies se mirent à l’œuvre avec ardeur. Les lignes ferrées furent construites avec une rapidité qui, à distance, émerveillait l’Europe. À les examiner de près, cette admiration se refroidit. En effet, ces lignes sont déjà dans un état déplorable. Les ponts, les ouvrages d’art, l’installation de la voie, les modèles choisis pour les locomotives, tout porte la trace de deux préoccupations exclusives : promptitude dans l’exécution, parcimonie dans la dépense. Il semble que l’on ait eu le dessein moins d’assurer un service régulier et de satisfaire aux exigences d’un trafic durable que d’établir un railway provisoire pour répondre à des besoins passagers. La plupart de ces lignes n’ont qu’une voie, le matériel roulant est insuffisant, les halles, les hangars, les magasins, lorsqu’il arrive qu’une station en possède, sont trop exigus. De là d’insurmontables embarras : avec une voie unique, on ne peut avoir que peu de trains, et chaque train se compose d’un petit nombre de wagons, par la double raison que les compagnies n’ont pas assez de wagons et que les machines sont trop faibles. Dans ces conditions, il est rigoureusement vrai de dire que le chemin de fer est plus nuisible qu’utile. Sur la ligne East-Indian, les abords des stations sont encombrés sur une superficie de plusieurs acres de balles de coton, de riches produits, qui séjournent là pendant des mois entiers, attendant qu’on les expédie ; le bord des routes en est également couvert. Pendant ce temps, les malheureux négocians à qui ces marchandises appartiennent paient, pour le capital dont elles représentent le gage, des intérêts qui varient entre 12 et 20 pour 100. « Les négocians indi-