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LA GUERRE EN 1866.

différens pays cotonniers. L’équilibre est donc à peine rétabli pour l’Angleterre après cinq ans, il ne l’est pas pour les autres pays. Ce sont les tableaux des douanes et les documens officiels fournis par les grands marchés anglais qui donnent ces chiffres. Ils sont d’une authenticité indiscutable ; sans cela, on aurait peine à croire à d’aussi faibles résultats.

Terminons par quelques mots sur l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud ce rapide exposé des tentatives qui ont été faites pour naturaliser la culture du coton dans tous les pays où elle offrait quelque chance de succès. Nous empruntons la plus grande partie de ce qui va suivre à une sorte d’enquête générale sur la question faite par les États-Unis et publiée par les soins du gouvernement de Washington[1]. Dans le Honduras (possessions anglaises), le climat, le terrain, l’abondance de l’eau, assureraient des récoltes admirables, mais il a été impossible de décider les habitans à cultiver le coton. Le travail des champs est peu en honneur parmi ces descendans des anciens flibustiers : la vie des bois a fait place aux succès « du large. » Ils exploitent leurs forêts, où abondent des essences recherchées pour la menuiserie de luxe ; en dehors de cela, rien ne les tente. Les Anglais ont eu beau faire luire à leurs yeux l’appât de gros bénéfices ; ils sont restés fidèles aux vieilles traditions, et n’ont voulu ni labourer, ni bêcher. Quelques Américains se sont installés néanmoins et ont planté du coton. Outre les difficultés de toute sorte que leur a occasionnées le caractère des indigènes, ils se plaignent de pluies diluviennes arrivant à contre-temps et de l’apparition d’un ver destructeur. Malgré tout cela, les récoltes sont belles, le sol est d’une fertilité admirable : la canne à sucre rend 4 tonnes de sucre par acre, le riz et le tabac y prospèrent. Ce sont des Américains qui sont à la tête de toutes les plantations. S’il y avait dans le pays quelques centaines de capitalistes ayant à leur dispositions quelques milliers d’hommes de couleur sachant leur métier, cette riche contrée deviendrait bientôt un vaste jardin. Au Nicaragua et dans la province de Panama, même sol, mêmes habitans, mêmes résultats.

Au Pérou, le tableau change. On se mit avec enthousiasme à produire du coton, déjà connu et cultivé du temps des Incas. Depuis que les Espagnols avaient ruiné l’agriculture du pays, cette plante n’y croissait plus que spontanément à l’état sauvage. Les Indiens apportaient les fibres dans les ports pour les vendre aux marchands européens. Le coton valait en 1862 de 30 à 40 centimes la livre ; il

  1. Report of the commissioner of agriculture for the year 1864 (Washington, government printing office, 1865).