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monta presque immédiatement à 1 franc la livre. Les capitaux anglais se hâtèrent d’affluer au Pérou, et la riche vallée de la Chira, qui s’étend de la mer jusqu’aux Cordillères, ne fut bientôt plus qu’une vaste plantation. Le mako, le sea-island, y prospèrent si bien qu’ils y atteignent les proportions d’un arbre. « La culture du coton, dit M. C.-F. Winslow, consul américain à Payta, est appelée au plus grand avenir au Pérou tant à cause des pluies périodiques que des facilités qu’offre l’irrigation. » Dans plusieurs endroits, il sera simplement nécessaire, pour arroser abondamment, de réparer d’anciens canaux creusés par les Incas, et dont quelques-uns sont d’un travail remarquable. On en montre encore qui ont été taillés dans le roc vif sur une longueur de 6 mètres, une largeur de 2 et une profondeur de 6 ou 7. Les qualités de coton que produit le Pérou sont estimées, quoique un peu trop fines. Ce qui manque surtout, ce sont des routes. Chaque balle de coton pesant 3 quintaux 1/2 coûte en moyenne une livre sterling de transport pour arriver à la côte. Dès que les prix de vente baisseront en Europe, pourra-t-on payer aux muletiers cette prime exorbitante ? Avec des routes, le Pérou conquerra certainement un rang honorable parmi les pays à coton.

Le Brésil a fait quelques efforts. Le coton y vient bien, surtout dans les provinces de Maranham, San-Paulo, Cora, Pernambuco. La plante y dure cinq ans sans qu’il soit besoin d’en renouveler la semence, et, les trois premières années surtout, elle donne des produits abondans. Il ne paraît pas cependant que l’on puisse fonder, pour l’avenir de grandes espérances sur le Brésil. Lorsqu’on examine les quantités de coton exportées par cette immense contrée de 1859 à 1865, on est frappé de la lenteur des progrès. En 1861, le Brésil exportait 100,000 balles de coton ; en 1863, il ne s’était encore élevé qu’à 138,000 balles ; en 1865, il arrive seulement à 340,000 balles. On le voit, malgré les encouragemens du gouvernement, la nouvelle culture fut abordée avec mollesse, et il est facile de prévoir que la production moyenne retombera, dès le premier symptôme de baisse, au chiffre de 1861. Sans doute cela tient d’abord au caractère indolent des Brésiliens, cela tient aussi à des causes dont ils ont davantage sujet de se louer. Au Brésil en effet, le coton est considéré comme un accessoire. Le pays a depuis longtemps accordé ses préférences à d’autres produits très riches aussi et d’une vente facile, le café entre autres, qu’on y cultive avec un grand succès. Dans la seule province de Rio-Janeiro, la récolte du café en 1864 a dépassé 2 millions de sacs.