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sous la direction d’une nouvelle grande-maîtresse, la comtesse Marie-Walburge de Lerckenfeld, dont la sévérité lui imposait[1]. Il lui manquait alors la facilité d’expression qu’elle acquit si remarquablement dans la suite; mais en somme, et sans s’aveugler sur ce qui pourrait manquer encore à la princesse au temps fixé pour le départ, Vermond se flattait qu’elle ne manquerait en rien d’essentiel, et qu’on la trouverait, à beaucoup d’égards, supérieure à son âge[2].

En effet, les progrès furent rapides. « Il lui reste, écrit l’abbé en octobre 1769 au comte de Mercy, quelques mauvais tours de phrase dont elle se corrigera promptement lorsqu’elle n’entendra plus l’allemand et le mauvais français des personnes qui la servent. Elle ne ferait presque aucune faute d’orthographe, si elle pouvait se livrer à une attention suivie. Lorsque j’examine ses écritures, je n’ai besoin que de montrer les mots avec le bout de mon crayon, elle reconnaît tout de suite ses méprises. Son caractère d’écriture n’est pas fort bon; le plus fâcheux est qu’un peu par paresse et distraction, un peu aussi, à ce qu’on croit, par la faute de ses maîtres d’écriture, elle a contracté l’habitude d’écrire on ne peut pas plus lentement. Comme rien de ce qui peut être utile à son altesse royale ne me paraît étranger à mes devoirs, j’assiste souvent à ses écritures, mais j’avoue que c’est l’article sur lequel j’ai le moins gagné[3]. »

Lorsque le subtil abbé écrivait ces mots, il était encore à Vienne, que Marie-Antoinette quitta seulement le 21 avril de l’année suivante. Il revint avec elle. A l’arrivée en France de la jeune dauphine, Mme Campan écrivait d’elle : « Elle savait parfaitement ce qui lui avait été enseigné. Sa facilité à apprendre était inconcevable, et si tous ses maîtres eussent été aussi instruits et aussi fidèles à leurs devoirs que l’abbé Métastase, qui lui avait enseigné l’italien, elle aurait atteint le même degré de supériorité dans les autres parties de son éducation. La reine parlait cette langue avec grâce et facilité, et traduisait les poètes les plus difficiles. Elle n’écrivait pas le français correctement, mais elle le parlait avec la plus grande aisance, et mettait même de l’affectation à dire qu’elle ne savait plus l’allemand[4]. »

A Versailles, le mouvement de la cour prit beaucoup sur son temps, et comme elle aurait rougi aux yeux de sa nouvelle famille d’avoir l’air d’être encore en éducation, elle s’adonna d’abord fort peu à l’étude. Elle n’avait jamais eu et n’eut jamais de grands atta-

  1. Arneth, p. 353.
  2. Id., p. 357.
  3. Id., p. 360.
  4. Mémoires, t, Ier, , p. 40.