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pan, en mesure de tout savoir, tenait note de tout. Et d’ailleurs un tel système de dénigrement ferait courir des risques au livre même de M. d’Arneth. Il serait bien facile en effet, comme je l’ai déjà démontré ailleurs, de le prendre en flagrant délit de concordance, de faits présentés à la fois et dans ses lettres et dans les mémoires ou gazettes. Les critiques, repoussés sur ce point, se retranchent derrière une autre assertion; ce n’est plus tant, disent-ils, cette concordance dont ils accusent les lettres françaises que l’absence complète de tout autre renseignement que ceux que l’on connaissait par Mme Campan : assertion d’aussi peu de valeur que la première, car si les lettres eussent été totalement vides et muettes, on ne les eût pas lues comme elles l’ont été; c’est par elles qu’on a connu le beau mot de Louis XV sur Marie-Thérèse, et vingt autres détails qui ont leur intérêt dans l’ensemble, et qu’il nous serait facile de relever.

La critique revient sur l’éternelle discussion de la lettre de Marie-Antoinette qui parle de Mme Du Barry; elle se refuse à reconnaître qu’avant les temps agités Marie-Antoinette ait fait des minutes ou gardé des copies; elle soutient enfui que la signature des lettres françaises est contredite par celle des lettres viennoises, et que le nom donné par Marie-Antoinette à sa sœur dans les premières n’est pas le nom sous lequel celle-ci était connue, qu’au surplus les deux sœurs n’eurent point entre elles de correspondance. Perçons ce nuage, et la tempête qu’il amasse va s’évanouir.

La lettre sur Mme Du Barry, lettre si vivement controversée, ne méritait ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Je fais assurément bien bon marché de la variante reparlé, que par pure exactitude matérielle j’avais substituée au mot parlé, imprimé dans un certain nombre d’exemplaires du premier tirage de mon recueil. Tant que le mot n’est accompagné que de l’adverbe jamais, qu’il y ait parlé ou reparlé, c’est tout un dans la question. N’ayant nulle raison, tant s’en faut, de suspecter l’authenticité de la pièce, et ne prévoyant pas qu’elle pût devenir l’objet de tant de récriminations, je n’avais pas songé à la soumettre, comme je l’ai fait depuis, à un conseil de révision sévère; mais aujourd’hui, ayant voulu, avant de reprendre la plume, appeler le clair soleil sur la dispute d’authenticité, j’ai livré cette lettre, avec plusieurs autres, à l’examen d’experts et connaisseurs. Que m’ont signalé ces yeux de lynx armés de verres? Sous des ratures et surcharges ornées d’éclaboussures d’encre, ils ont lu distinctement le mot assez. Il s’ensuit que la phrase, si elle eût été bien transcrite, eût dû se construire ainsi, comme on en jugera par le brouillon original et par le fac-simile : « Je ne vous ai jamais assez reparlé de Mme Du