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existé d’intimité entre les deux sœurs. Ne tombe-t-il pas d’ailleurs sous le sens que, si elles eussent été étrangères l’une à l’autre, l’impératrice n’aurait pu songer à mettre le mari sur la liste, si restreinte, des correspondans de la jeune dauphine partant pour la France ?

Quant aux prétendues préventions sur lesquelles il y a évidemment erreur de date, on était loin encore, lors du mariage de Christine, on était loin du temps de triomphe de la jeune archiduchesse, loin du temps de son brillant établissement politique, dont toutes ses sœurs devinrent jalouses, et de cette jalousie il paraît certain que Marie-Antoinette soupçonnait Christine de ne pas avoir été tout à fait exempte[1]. Mais les liens de famille n’étaient pas brisés pour si peu, et la courtoisie de cour, qui après tout est celle de tout monde qui sait vivre et celer au besoin une pensée secrète, ne restait point pour cela en arrière. Que les mauvais discours semés plus tard contre la malheureuse Marie-Antoinette et qui retentissaient si vite, accrus sur la route en passant par les correspondances particulières et par les gazettes de Prusse, aient inspiré de loin à l’aînée des sœurs des préventions contre la plus jeune, cela se conçoit; mais de l’aveu du mari, l’aînée en était revenue. La suspension que l’on remarque dans leur correspondance, et qui s’est renouvelée à l’époque du grand litige avec la Hollande, fixe la date de ces soupçons, dont les charmes de l’entrevue firent évanouir les dernières traces.

Les critiques contraires à l’existence de rapports épistolaires entre les deux sœurs tombent donc d’elles-mêmes. On ne saurait être plus favorable à une autre opinion que met en avant l’auteur des articles au sujet de l’affaire du collier. Pour ôter tout crédit aux lettres de la reine, de source française, relatives à ce terrible drame précurseur de tant de maux, M. Geffroy part du plus faux point de vue. « On se tromperait singulièrement, dit-il, si l’on croyait que la reine y eût attribué une si grande importance et en eût été émue jusqu’à l’excès. » Et là-dessus il s’appuie de l’analyse de quelques lettres écrites à ce sujet par Marie-Antoinette à Joseph II, et il en fait ressortir, en faveur de sa thèse, le ton calme et ce qu’il appelle « l’indignation sobre et contenue. » L’histoire ne saurait se plier à être ainsi méconnue. Quoi! vous n’avez pas toutes les lettres, et vous tenez un tel langage qui ne tendrait à rien moins qu’à travestir les faits et réduire une affaire si grave à la proportion d’une anecdote! La reine n’aurait traité que d’un air dégagé l’arrestation en plein palais, en habits pontificaux, d’un

  1. Voyez à ce propos une lettre de Vermond de septembre 1770. Arneth, p. 387.