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recueil de M. d’Arneth, bien que, depuis plus de deux ans, elle figurât dans le mien à sa véritable date du 30 juillet 1790 ; mais eût-il été indiscret de s’attendre à ce que M. Geffroy, en les citant, daignât faire connaître où il les avait prises et ne laissât pas croire qu’elles fussent encore un emprunt fait au livre allemand ? S’il les avait trouvées assez bonnes pour en orner son travail, en dépit des dénigremens dont il a cru pouvoir poursuivre le mien, il lui était loisible du moins d’imiter l’exemple de M. d’Arneth qui, en m’empruntant vingt ou vingt et une pièces, n’avait pas commis l’inadvertance de le taire.

Avant le rôle politique où l’entraîna la fatalité, avant les rêves téméraires de réaction et ces terribles menaces de l’avenir sortant de toutes parts des embarras du présent, Marie-Antoinette s’était franchement nationalisée Française, et ce mot sanglant : « l’Autrichienne, » dont les clubs l’avaient poursuivie et qui fit tomber sa tête, n’était qu’un cruel et gratuit outrage. Et cependant M. Geffroy, poursuivant sa thèse, proteste, comme peu vraisemblables, contre les paroles mêmes de cette princesse qui, en présence d’un triomphe de son mari, se dit « Française jusqu’aux ongles. Française avant d’être Allemande. » Qu’il efface donc ce qu’elle a fait pour le souvenir du chevalier d’Assas, et cette grâce tout exceptionnelle dont elle a honoré, bien qu’étranger, le comte Charles de Stedingk, en l’invitant à ses petits soupers, à raison de sa brillante conduite dans nos armées en Amérique ; qu’il efface également ce témoignage du comte de Ségur : « elle me parla du succès de nos armées sur terre et sur mer, et des avantages d’une paix glorieuse pour la France, avec la fierté et le sentiment d’une reine, et d’une reine française[1]. » Qu’il efface donc aussi les paroles si souvent répétées de Marie-Thérèse à sa fille, qui avait oublié l’allemand : « On est étonné du peu d’empressement et de protection que vous avez pour les Allemands[2]. » — « On répète partout que les Allemands ne sont pas distingués par vous ; rendez justice au vrai mérite de cette nation. » — « Faites des bontés à tous les Allemands, surtout ceux de mes sujets et des premières maisons. » — « Ne tombez pas dans les défauts où toute la famille royale de France est tombée depuis longues années. » — « N’adoptez pas la légèreté françoise ; restez bonne Allemande. » — « Ne soyez pas honteuse d’être Allemande jusqu’aux gaucheries. » — « Voyez plus souvent Mercy, ne craignez pas les qu’en-dira-t-on ? » — Laissez-vous conduire par Mercy. » — « Écoutez et suivez les conseils de Mercy ;

  1. Mémoires ou Souvenirs, t. II, p. 5.
  2. Arneth, p. 32.