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tenir sa lettre pour entièrement apocryphe. — J’ai contesté ensuite une prétendue lettre de Louis XVI à M. de Breteuil sur le cardinal de Rohan et le tout récent arrêt rendu dans l’affaire du collier. J’ai dit que l’expression de chevalier des ordres du roi appliquée au cardinal, qui était à un double titre commandeur de l’ordre du Saint-Esprit et ne faisait pas partie de l’ordre de Saint-Louis, me semblait être une erreur que le roi n’aurait pas commise; j’ai demandé du moins s’il y avait des textes de nature à autoriser cette désignation. M. Feuillet n’a rien produit qui dissipât mon doute. Quant à la date du 1er septembre, qui ne peut convenir à cette lettre, puisque l’arrêt du parlement est du 31 mai, M. Feuillet répond que cette fausse date se trouve inscrite sur son autographe par une main étrangère, <(celle de je ne sais quel possesseur antérieur. » Il présente la même explication pour la date, également fausse, d’une lettre de Louis XVI sur la procession de la Fête-Dieu. Dans l’un ni l’autre cas, sa réponse ne paraît acceptable. Si en effet ces deux fausses dates s’étaient trouvées d’une écriture différente des textes mêmes, il n’y aurait pas eu lieu pour M. Feuillet de transcrire de pures erreurs commises par le premier venu; M. Campardon, archiviste, et fort compétent en de telles matières, reproduisant dans son livre sur l’affaire du collier l’autographe de la lettre de Louis XVI d’après la collection de M. Feuillet, aurait certainement remarqué cette différence. M. Feuillet lui-même donne encore cette fausse date comme autographe en tête d’une lettre de Marie -Antoinette à sa sœur Marie-Christine, et M. d’Hunolstein, publiant la même lettre, donne aussi les mots : « ce 1er septembre, » comme faisant partie de l’original autographe. M. Feuillet a eu, quant à lui, une telle confiance dans cette fausse date qu’il l’a introduite jusque dans le texte de ses commentaires. « L’arrêt fut rendu, dit-il, le 31 août (au lieu du 31 mai) 1786. » Or, si l’écriture des dates a pu tromper jusqu’à trois personnes expérimentées, y compris M. Feuillet, n’est- il pas évident que c’était par sa ressemblance avec l’écriture du roi ou de la reine? Et s’il en est ainsi, pourquoi ces trois personnes ne se seraient-elles pas trompées également à l’écriture des lettres mêmes? Encore un effort, et M. Feuillet, qui se dit désormais éclairé sur le premier point, ne nous refusera pas le reste. — En tout cas, je recueille en passant un précieux indice en vue de l’utile recherche sur les provenances : cette erreur identique qui se présente sur plusieurs documens de M. Feuillet et sur une pièce importante dans la collection de M. d’Hunolstein, il est clair qu’elle provient d’une même main; si ce n’est pas celle du fabricateur lui-même, c’est du moins celle d’un possesseur commun. Ce possesseur n’est pas M. Feuillet, puisqu’il déclare qu’il a appris pour la première fois l’existence de ces lettres que possédait M. d’Hu-