Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a quelque chose de puéril, c’est une colère d’enfant gâté; nous n’y insistons point. Nous ne croyons point que les politiques italiens oublient les services que la France leur a rendus avec un entraînement désintéressé qui est sans exemple dans l’histoire, et dont nous recueillons maintenant cet étrange profit qui s’appelle l’hégémonie prussienne en Allemagne.

Les graves intérêts qui sont engagés pour la France dans les questions extérieures ne nous laissent guère le loisir de calculer la portée du sénatus-consulte qui retire la constitution du domaine des discussions permises à la presse périodique. Cette nouvelle restriction est un luxe de prévoyance dont l’utilité nous échappe. Nous ne connaissons point les audacieux qui eussent été capables de soumettre dans la presse la constitution à une discussion critique. On a beau faire, les constitutions ne peuvent être des œuvres homogènes; les mieux rédigées contiennent des contradictions inhérentes à tout ouvrage humain. La plus sûre façon de travailler à l’amélioration d’une constitution, c’est de l’invoquer. Il n’est plus permis de discuter la nôtre, mais il ne pourra jamais être interdit de l’invoquer et surtout de faire comme elle, de recourir aux principes de 1789, sous la consécration desquels elle s’est placée comme pour nous donner l’assurance que la France obtiendra la réalisation finale du grand programme révolutionnaire.

L’Angleterre ne comprendrait point que sa constitution fût protégée contre les critiques par une loi prohibitive. La réforme parlementaire qui vient d’exciter de si grands débats dans la chambre des communes, et sur laquelle un ministère vient d’être renversé, équivaut aux yeux des Anglais, — le langage de leurs écrivains et de leurs orateurs en fait foi, — à une réforme de la constitution. Il serait bien difficile de réformer la constitution anglaise, si on ne pouvait pas la discuter, et les Anglais ont la naïveté de croire que leur constitution peut et doit être améliorée, encore bien qu’elle ait une existence de plusieurs siècles. L’entière liberté de discussion empoisonne-t-elle d’esprit révolutionnaire les fidèles sujets de la reine? Qu’on en juge par ce qui vient de se passer. C’était le gouvernement qui, dans la question électorale, était le réformiste, le révolutionnaire, et c’est la majorité de la chambre qui a représenté l’esprit conservateur et a renversé le ministère. Le nouveau premier ministre, lord Derby, a constitué son cabinet. Il n’a pu le recruter que d’élémens conservateurs. La fraction des abdulamites, des libéraux qui ont voté contre le projet ministériel de réforme, n’a point répondu aux avances du chef du parti conservateur. L’opinion de lord Derby, et il l’a exposée à la chambre des lords avec cette parole élevée, facile et brillante qui retient et enchante l’attention de son auditoire, l’opinion de lord Derby est qu’il y aurait lieu de changer en Angleterre la distribution et les dénominations des partis politiques. Il n’y a plus de vieux tories, disait-il, et il ajoutait plaisamment que parmi les contemporains il n’y a que lord Russell et lui qui se puissent souvenir d’en