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rieur envers nos classes pauvres, dont nous sommes les tuteurs, dont la condition, quelque amélioration qu’on y apporte, n’est assurément point conforme à leurs désirs, et sur lesquelles une politique contraire ferait tomber le poids écrasant de la dette et par suite des taxes; elle est en partie aussi dans la conviction où nous sommes que l’exemple vaut mieux que le prétexte, et que, par notre simple existence de peuple libre et prospère, se gouvernant lui-même, nous faisons plus pour protester pratiquement contre la politique despotique et la politique révolutionnaire qu’on ne pourrait faire avec des milliers de dépêches et autant de campagnes; elle est enfin dans notre propre expérience, dans le souvenir de nos fautes passées, dans les leçons que notre histoire nous enseigne. Combien de combats n’avons-nous pas livrés autrefois pour des objets qui nous ont échappé, et qui, si nous les eussions atteints, n’eussent pas valu ce qu’ils nous coûtèrent! Un homme peut s’intéresser profondément aux affaires d’Europe, et pourtant mettre raisonnablement en doute la question de savoir si des sentimens chaleureux, des généralisations rapides et une connaissance imparfaite des choses, sont les qualités les plus désirables pour traiter des matières si compliquées. » On peut juger par cet échantillon de la nature d’esprit que lord Stanley apporte aux affaires : il est le plus jeune des ministres des affaires étrangères de l’Europe; il ne faudrait point jurer qu’il n’en est pas aussi le plus honnête et le plus sage.

Après la fureur de ses insurrections militaires, après les rigueurs d’une répression impitoyable, voilà l’Espagne qui revient au jeu des crises ministérielles nocturnes. Le général O’Donnell touche un soir à la dictature, et le lendemain il n’est plus rien. La volonté royale n’a fait que passer escortée du maréchal Narvaez, et O’Donnell n’est plus. Le dernier ministre a cependant accompli avec un courage inflexible une des plus rudes tâches qui aient jamais été infligées à ceux qui aspirent à gouverner leurs semblables. La récompense qu’il en reçoit ne devait point être prévue. On ignore encore à Paris la cause de cette disgrâce subite. Avec Narvaez, ce qu’il y a de plus certain, c’est le maintien de l’ordre. Parmi ses collaborateurs et ses collègues, on remarque quelques hommes de mérite, M. Barzanallana, M. Gonzales Bravo. Que fera ce ministère? qu’y a-t-il de possible en Espagne? quelle administration peut s’y promettre la durée?

Nous ignorons encore jusqu’à quel point il faut ajouter créance au télégramme par lequel on annonce de Constantinople que la Porte et les puissances protectrices ont définitivement reconnu Charles Ier prince de Roumanie, en lui accordant l’hérédité. Toujours est-il que les principautés ne paraissent pas, depuis le règne de Charles Ier, avoir amélioré beaucoup leur situation. Le prince Charles s’est d’abord livré à un seul parti, celui qui se dit le plus avancé et qui n’est peut-être pas le plus prudent. Les scènes fâcheuses se sont rapidement succédé dans les provinces, dans la capitale, dans l’armée et jusque dans l’assemblée. L’autorité nou-