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rais-tu à me voir pleurer et mordre la terre ? Ah ! je le jure, je me tuerais après. Oublie-moi, ne reviens jamais. Quel mal tu me fais ! Est-ce là la récompense d’un amour de mère ? Oui, je ne voyais en toi que mon enfant. Mon enfant ! avoir un enfant qui m’aime comme ma fille m’eût aimée, c’était mon rêve, et c’était si naturel !… Pouvais-je deviner qu’à peine assez grand pour atteindre mon coude, tu avais déjà de mauvais instincts ? Souviens-toi quelle colère, quel chagrin, quelle honte j’ai eue quand, pour la première fois, tu as osé me dire que tu voulais être mon mari ! J’aurais dû te chasser. Je n’ai pas eu de courage. Je m’étais habituée à t’aimer, et puis je n’aimais pas Sixte, je ne voulais de lui ni d’aucun autre. Je te voyais fou, avec des convulsions, l’écume aux lèvres. J’ai cru que tu allais mourir. Je t’ai promis de ne me marier jamais. Tu es dissimulé, tu as fait semblant d’être guéri, et tu as passé des semaines et des mois sans me donner de nouvelles inquiétudes, et puis un beau matin tu étais plus dangereux que jamais. Et cela a toujours recommencé et fini pour revenir encore, cette folie, jusqu’au jour où je t’ai chassé.

Et à présent que j’aime quelqu’un qui est pour moi comme un dieu, tu crois que je ne te briserai pas, si tu prétends détruire mon bonheur et me rendre indigne de lui ? Essaie, et il saura tout ! Nous verrons alors si tu oseras reparaître devant lui. Prends garde ! Je lui dirai que tu as menacé sa vie, que j’ai été à ce rendez-vous pour t’empêcher de faire un malheur. Je lui raconterai toutes tes sottises, tes pensées criminelles ; il te fera arrêter et mettre en prison. C’est tout ce qu’on doit à un enfant ingrat et dénaturé comme toi.

de tonino., (à deux mois d’intervalle après la mort de Jean).

Ma chère cousine, après le malheur qui nous a frappés, je serais bien coupable si je n’abjurais pas entre vos mains mes folies et mes colères d’enfant. Pardonnez-les-moi, oubliez-les et recevez-moi en grâce. Votre enfant soumis et dévoué.

après le mariage de tonino avec vanina.

Ma cousine, je suis le plus heureux des hommes, et je fais des vœux pour M. Sylvestre et pour vous. Il est le meilleur des pères, comme vous êtes la plus généreuse des amies. Je n’ai pas toujours été digne de vos bontés. Pardonnez-moi le passé, et bénissez ma chère petite femme qui vous chérit.

un an plus tard.

Félicie, je suis heureux, j’ai un fils depuis deux heures ! Il s’appelle Félix, le second s’appellera Sylvestre. Vous êtes mes deux