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l’instituteur donne mal cet enseignement, il ne reste qu’à le renvoyer pour en prendre un autre ou à fermer l’école. Voilà ce qui sort irrésistiblement de cette regrettable disposition qui consiste à charger le maître laïque d’enseigner les vérités révélées. Ce n’est point impunément qu’on confond les deux domaines. Qui pénètre dans celui de l’église n’y peut être que sujet, car elle prétend y exercer une autorité indiscutable. Dès qu’il sort des limites où il est souverain, l’état n’a plus qu’à se soumettre; l’église lui dictera ses conditions, et il devra les accepter; elles sont sans appel.

Ainsi donc l’état asservi à l’église, voilà le premier mal. Ce n’est pas le seul; il en est un autre encore qui est de charger le maître d’école d’une fonction qui n’est pas la sienne. Le dogme est une matière difficile, obscure, où la moindre erreur mène bientôt à des hérésies condamnées par Rome ou par les conciles. La parole de celui qui l’explique doit être l’écho fidèle des interprétations de l’église; or ce laïque que vous chargez d’enseigner la religion connaît-il ces questions ardues où les lumières naturelles de la raison n’éclairent plus l’esprit? A-t-il traversé le long noviciat du séminaire pour oser se faire l’interprète de la révélation? Comprend-il seulement les termes dont il se sert, et n’est-il pas à craindre qu’il ne trouble l’entendement de l’enfant par ses obscurités, ses mal-entendus, son ignorance? Si l’on se contente, ainsi que cela a lieu maintenant, de faire réciter par cœur les mots du catéchisme, peut-on dire que ce soit là un enseignement de nature à développer les sentimens moraux et religieux? Ce pur exercice de mémoire peut-il avoir pour effet d’ouvrir l’intelligence et d’améliorer les mœurs? Et si l’instituteur ajoute quelques explications, est-il probable qu’en parlant de ces mystères où se trouble même l’esprit du prêtre, il puisse éviter d’en donner d’erronées, de dangereuses même? On affirmait en Allemagne à M. Rendu que les maîtres d’école avaient contribué à répandre dans le peuple les idées de la théologie rationaliste. C’est sans doute en prévision de ces périls que le pape, dans son allocution du 1er novembre 1850, se plaint vivement de ce que l’enseignement religieux soit donné par les instituteurs laïques. Le système en vigueur actuellement est donc contraire et aux intérêts de l’état et à ceux de l’église. Il est condamné à la fois et par ceux qui ont à cœur l’indépendance du pouvoir civil et par le souverain pontife, gardien naturel de l’indépendance ecclésiastique.

Pour résoudre ces difficultés, il est un moyen bien simple, c’est de suivre le conseil si sage de l’Évangile : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » On admet généralement deux ordres de vérités : les vérités naturelles, qui sont perçues di-