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appliquée sans froissement pour aucun culte et jusqu’à présent sans réclamations sérieuses. Les institutions qui m’ont le plus frappé sont la grande école communale de Maëstricht, et, comme type d’école de village, celle de Meerssen, d’abord par l’excellence de l’instruction qui s’y donne, ensuite parce que j’y ai trouvé réunis sur les mêmes bancs des catholiques, des protestans et des juifs. Quelle prière dira-t-on dans l’école mixte? C’est encore un point qui a donné lieu à de graves difficultés. A Maëstricht, au commencement et à la fin de la classe, les maîtres lisaient d’une voix recueillie une prière très touchante, conçue en termes généraux et tirée d’un recueil depuis longtemps en usage. C’est la solution la plus conforme à l’esprit de la loi. Ailleurs on dit l’oraison dominicale. Il n’y a point de leçons spéciales de morale; l’instituteur doit seulement contribuer par ses leçons ordinaires au développement moral et religieux des élèves. Il semble qu’il n’est point mauvais de procéder ainsi. Il n’est pas nécessaire en effet d’enseigner un système de morale aux enfans; c’est le sentiment même du bien et du mal qu’il faut fortifier, l’idée du devoir qu’il faut faire naître. Ce sentiment, cette idée, l’enfant les porte en lui; il ne s’agit que de les cultiver, de les fortifier par des récits, par des morceaux de poésie et d’éloquence, en racontant des traits de vertu et d’héroïsme empruntés à la biographie des hommes de bien. Une instruction morale donnée immédiatement à propos d’un fait qui vient de se passer à l’école ou d’une faute commise fera beaucoup plus d’impression que des formules abstraites ou des préceptes sans application directe. Partout et toujours les paraboles ont précédé les argumens, comme les hiéroglyphes ont précédé les lettres.

Les écoles de la Néerlande méritent encore aujourd’hui tous les éloges qu’en ont faits Cuvier et M. V. Cousin. Les méthodes sont bonnes, les maîtres très dévoués à leur utile mission, et les résultats obtenus très remarquables. Malheureusement il s’en faut de beaucoup que tous les enfans en âge d’école y soient assidus. La proportion des élèves ne dépasse point celle qu’on a constatée en France et en Belgique. On peut donc regretter que le parlement hollandais ne se soit pas encore décidé à décréter l’enseignement obligatoire, malgré les discours éloquens d’un grand nombre de ses membres. Il est cependant un précédent qui prouve à quel point cette mesure appuyée sur la gratuité serait efficace. Dans la province de Groningue, la plus éclairée du royaume, on remarquait que dans les campagnes surtout le nombre des écoliers allait sans cesse en diminuant. On mit en vigueur en 1839 un règlement qui obligeait tout père de famille à payer la rétribution scolaire pour chaque enfant de 6 à 12 ans, qu’il fréquentât ou non l’école