Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
LE NOUVEAU LOUVRE.

répondre que le besoin de raccorder, d’amplifier, de remettre à neuf chaque partie des Tuileries, ne commandera pas de nouveaux ajournemens ? Rien n’est donc moins certain que l’époque où les promesses de 1852 seront enfin accomplies. Ce n’est pas une raison pour s’abstenir, en attendant, d’examiner et de juger dans leur ensemble ces constructions nouvelles. Ce qui reste à faire au Louvre est, à vrai dire, si peu de chose en comparaison de ce qui est déjà fait, que, sans scrupule, sans crainte d’avoir à se dédire, on peut dès aujourd’hui considérer le tout comme à peu près fini et publier ce qu’on en pense. C’est aussi ce que nous allons faire. Ce sera pour nous le complément d’une étude entreprise il y a quatorze ans et qu’il est temps de conduire à fin.

En parcourant dans le passé l’histoire de cette royale demeure, nous l’avions vue, à chacune de ses phases, donner en quelque sorte le ton à l’art français. En sera-t-il de même maintenant que la voilà complète, et faudra-t-il s’en applaudir ? Quel enseignement sortira de ces constructions ? Quelle influence exercera sur nos arts du dessin non-seulement dans la capitale, mais dans maint autre lieu, dans nos principaux centres de population, cette façon de comprendre et de pratiquer l’architecture ? C’est là ce qu’il nous faut chercher. Loin de nous tout système de blâme préconçu ; nous n’avons aucun goût pour la critique tracassière et ne savons au monde rien de si doux que d’admirer. Nous nous dépouillons donc de toute prévention en nous plaçant en face de ce Louvre nouveau ; nous oublions nos préférences pour un plan désormais impossible, et, acceptant celui qui a prévalu, nous en cherchons les bons côtés, les avantages. L’a-t-on bien mis en œuvre ? Cela seul nous importe. Nous ne pensons pas même au surcroît de dépenses dont il est devenu l’inévitable cause. Que dans un grand pays, pour l’embellissement d’une grande cité, certains travaux soient faits avec quelque largesse, il n’y a rien là qui nous révolte. La charge peut être lourde : si les travaux promettent de faire honneur à notre temps, s’ils sont d’un bon exemple, s’ils relèvent le goût, s’ils l’épurent et le fortifient, n’insistons pas sur ce qu’ils coûtent et gardons-nous de mesquines chicanes ; mais si pour prix de dépenses énormes, d’imprévoyances dispendieuses, d’évidentes prodigalités, rien dans ces travaux ne révèle le culte sérieux d’un art sobre et viril ; s’il n’en résulte pour le public ni leçon, ni profit ; si ce goût du clinquant, ce luxe à tout propos, ce luxe sans mesure qui s’étale aujourd’hui partout, dans les maisons, dans les ameublemens, dans les toilettes, dans tous les détails de la vie, trouve là son excuse et son apothéose, qu’on ne s’étonne pas de nous voir, malgré nous, d’autant moins indulgent que cette occasion d’une noble lutte, d’un