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boulevards de la place Castellane au château Borély. Déjà l’on s’est ému de cette invasion de l’industrie, et une compagnie s’est formée pour construire un chemin de fer de la future gare Castellane jusqu’à la pointe de Montredon, afin de rejeter dans la banlieue les hauts-fourneaux dont le voisinage incommode les hôtes élégans du bois de Boulogne marseillais.

Cette pointe de Montredon elle-même, arrosée aussi par le canal circulaire de dérivation, est parsemée de châteaux et de parcs magnifiques ; mais c’est surtout de l’autre côté de Montredon, dans l’enceinte même de la ville, sur la montagne de l’Endoume, que l’eau de la Durance a produit des merveilles. Tout l’entassement de rocs arides, de terrains pierreux où quelques bouquets de pins rappelaient seuls l’antique végétation disparue, toutes ces pentes abruptes qui séparaient le Prado de l’anse des Catalans et du vieux port, achèvent chaque jour de disparaître pour faire place à des maisons de plaisance dont les villas des environs de Paris n’égalent ni l’élégance ni le luxe. Faisant face au midi, à l’abri du vent de nord-ouest, de ce mistral terreur des Marseillais, dans le périmètre de l’octroi, avec la mer à leur pied, et à la hauteur des collines qui bordent l’autre côté de la baie, ont été construites les résidences de printemps et d’automne. Les heureux propriétaires de ces villas se gardent en effet d’y braver les chaleurs de l’été, et pour l’hiver quelques-uns d’entre eux, fidèles aux usages traditionnels, reviennent occuper la modeste maison à trois étages et à trois fenêtres du vieux Marseille.

Le chemin de la Corniche, où aboutissent ces habitations, et qui rattache la plage Borély aux Catalans, est sans contredit la plus belle promenade que jamais ville ait consacrée aux équipages et aux cavalcades des classes riches. Côtoyant la Méditerranée sur un parcours de 7 kilomètres, elle ne le cède en rien à la Corniche de Gênes, et la vue dont on y jouit n’est pas inférieure à celle qui a rendu célèbre la Chiaia de Naples. Le hasard en a fait naître l’idée première, dont M. de Montricher s’est emparé pour la féconder. Dans les plus mauvais jours de février 1848, le commissaire des Bouches-du-Rhône, M. Démosthènes Ollivier, se préoccupant de la cessation du travail, exprimait ses craintes à M. Lepeytre, secrétaire-général de la mairie, qui s’est depuis longtemps signalé par les importans services qu’il a rendus à l’administration de la ville. La question était de savoir comment on utiliserait les ateliers nationaux. Un entrepreneur de travaux possédait une bastide aux quartier alors inaccessible de l’Endoume : il parla de la nécessité de le relier à la ville par une route ; M. de Montricher fut consulté, et 3 millions des épargnes de la ville furent immédiatement affectés