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aux premiers travaux de cette route, dont le plan d’ensemble, tracé d’une main habile, révéla tout d’abord les avantages futurs. Toute cette côte abrupte et déserte est aujourd’hui utilisée, bâtie et habitée. Un terrain que le propriétaire, un chevrier, vendait, il y a cinquante ans, à raison de 80 francs se paie maintenant un demi-million, et on donne couramment 15 ou 20 francs du mètre carré conquis par la mine sur le roc. L’Endoume, réunie aux Catalans, attend déjà les bassins que l’on projette de creuser du port vieux à l’île des Pendus, et tout ce côté sud de la ville, avec son admirable situation, ses promenades, ses verts ombrages, tant de villas particulières, le château Borély, les allées du Prado, offre un site qui, pour la pureté de l’air, l’aspect du ciel et de la mer, la richesse du sol, n’est inférieur à aucun autre en Europe. Une route et l’eau de la Durance ont opéré ce prodige.

La fertilisation du territoire marseillais ne constitue que la partie la moins importante des bienfaits apportés par le canal. La moitié de l’eau qu’il débite, 3,000 litres par seconde, est en effet réservée pour le service de la ville proprement dit. D’un séjour malsain, nauséabond et sordide, l’eau achève de faire une localité exceptionnellement favorisée sous le rapport de l’arrosement et de la propreté, ces premiers besoins des agglomérations humaines. Marseille, à ce point de vue, ne le cédera pas même à Rome, où les antiques aqueducs, quoique bien détériorés, distribuent l’eau plus abondamment que partout ailleurs. Alors que Paris aura obtenu le complément en eaux de rivières et de sources fraîches que lui promet la déviation de la Vanne, il ne recevra encore pour les services publics et privés de ses 2 millions d’habitans que 420,000 mètres cubes d’eau par jour. La Durance seule fournit aux 300,000 habitans de Marseille 260,000 mètres cubes.

La branche-mère du canal, après la première dérivation circulaire utilisée pour l’agriculture et l’industrie, subit quatre déviations principales d’une étendue de 29 kilomètres, d’où partent 229 kilomètres de rigoles d’arrosage, qui portent les eaux jusqu’aux propriétés particulières. L’alimentation de la ville est assurée par une rigole spéciale de 7 kilomètres, qui prend l’eau à la dérivation de Château-Gombert, à une altitude de 140 mètres au-dessus du niveau de la mer, et l’amène au plateau de Longchamp, à une altitude de 74 mètres : c’est de là que l’eau, reçue jusqu’à présent dans deux bassins superposés d’une capacité de 40,000 mètres cubes, dont la disposition rappelle le château d’eau de Livourne, doit tomber par une cascade de 20 mètres au pied du nouveau musée. Ce monument, le mieux réussi de tous les édifices nouvellement construits à Marseille, profile déjà sur le plateau de Long-