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côté la place des Docks et le quai Napoléon, les rues ouvertes vers l’Hôtel-Dieu et la cathédrale, de l’autre l’arc de triomphe, le cours Belzunce et la gare du chemin de fer. La rue Impériale seule est d’une longueur de 1,083 mètres et d’une largeur de 25. L’expropriation s’est étendue sur 100,000 mètres carrés. Il a fallu démolir 935 maisons et expulser 16,000 habitans. Le volume des déblais transportés, jetés à la mer, et qui sont devenus les terrains du Lazaret et d’Arenc, dépasse 1,500,000 mètres cubes. Sur quelques points, la tranchée atteignit la profondeur de 25 mètres. En résumé, plus de 100 millions ont été déjà dépensés pour exproprier, niveler et bâtir cette nouvelle ville. Il s’agissait non point en effet de percer une seule rue, mais d’en ouvrir d’autres parallèles ou perpendiculaires, de les garnir de maisons dont la hauteur atteint le plus souvent 30 mètres, et de tout terminer en trois campagnes. Le spectacle des chantiers ouverts dans la rue Impériale dépassait comme activité tout ce que nous avons vu en ce genre à Paris; ce qui prouvait l’urgence de l’entreprise, c’est le mouvement commercial, le transit quotidien poursuivi au milieu des transports de terres, de pierres, de matériaux de construction. Une telle hâte de prise de possession justifie ce qu’il faut appeler non pas la témérité, mais bien l’audace des promoteurs du travail. Jeter 100 millions dans des constructions nouvelles à côté de celles de la Joliette, dont les premiers essais restaient infructueux, construire tout d’un coup une cité propre à recevoir 100,000 habitans au nord d’une ville dont le mouvement d’expansion s’étendait depuis un demi-siècle vers le sud, repousser la mer, abaisser le sol, faire refluer la population en sens contraire, c’était une entreprise dont la hardiesse pouvait coûter bien des insomnies à ses auteurs, et dont aujourd’hui le succès presque assuré n’a pas encore désarmé les critiques. Quelles que soient les objections de détail que l’exécution ait soulevées, et sans entrer dans l’appréciation des avantages financiers réservés à la société elle-même, nous soutenons qu’au point de vue de l’intérêt local comme de l’intérêt général l’œuvre mérite une haute approbation. Elle se complétera à mesure que s’ouvriront les rues perpendiculaires à la rue Impériale, et la transformation des Catalans, de l’autre côté du vieux port, lui servira de corollaire. Sur ce point cependant tout progrès sera suspendu tant que le génie militaire n’aura pas sacrifié le fort Saint-Nicolas, traversé déjà par la route qui mène à la résidence impériale. Inutile au point de vue stratégique, ce fort s’oppose à l’assimilation complète avec la ville de tout un vaste territoire, à peine habité, hérissé de rochers, qui s’étend de la Corniche et de la colline de la Garde jusqu’à l’ancien canal au bord du vieux bassin.