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Des casernes, des dortoirs de soldats, des bureaux, des logemens d’employés, des débarras, des dépôts d’objets d’art, voilà la vraie destination de ce second étage ; on pouvait donc impunément maintenir les combles en saillie et ne pas exhausser les façades. Pense-t-on que nos musées prendront un jour une telle extension qu’il leur faudra envahir cet attique ? Il n’est guère dans nos habitudes françaises de faire monter les gens si haut pour contempler des chefs-d’œuvre ; à supposer même que ce genre de fatigue vînt à être accepté chez nous, et que ces ascensions si bien admises en Italie nous devinssent nécessaires ; à supposer qu’il fallut dans ce dernier étage ouvrir des galeries, exposer des tableaux éclairés par le haut, ne conviendra-t-on pas qu’il n’eût pas été moins facile de prendre des jours sur un comble apparent que sur le comble déguisé qui existe aujourd’hui ?

Nous n’insistons ainsi que pour bien démontrer non-seulement que le goût, l’art, le sentiment des lignes protestaient contre cet exhaussement dont nous voyons le triste effet et les coûteuses conséquences, mais qu’il n’y avait pas même un prétexte spécieux, fondé sur des idées d’utilité ou de convenance, pour adopter un tel parti. A-t-on du moins tenté quelques efforts, une fois le système admis, pour sauver par un peu d’invention et d’originalité, par la distinction et l’élégance des détails, la massive lourdeur de la construction ? Non, et c’est ici qu’il nous en coûte de ne pouvoir imputer qu’à l’architecte seul cette ornementation vraiment désespérante, tout à la fois maigre et banale sur certains points du monument, et sur d’autres d’une ampleur et d’une exubérance qui passent toute imagination.

Comment comprendre, par exemple, qu’au sommet de ces hautes façades, et pour en couronner les dernières assises, on n’ait rien inventé de plus neuf et de mieux en rapport avec le monument que ces petits génies formant groupe avec les attributs qui les caractérisent, lourdes ébauches, sculpture à la fois molle et théâtrale, comme on en fabrique à la hâte pour la décoration d’une fête publique ? Que font-ils là ces pauvres groupes reliés de distance en distance par ces petits balustres si mesquins et si grêles ? Ne croyez pas, quant aux balustres, que nous ayons contre eux, en thèse générale, un invincible préjugé. Employés avec art et avec discrétion, à leur vraie place, dans des constructions franchement italiennes, ces parapets à jour sont d’un charmant effet. Était-ce une raison pour en mettre partout, sur tous nos monumens, sans le moindre à-propos ? L’abus que nous signalons, déjà vieux à Paris, a pris depuis quinze ans de telles proportions qu’on est vraiment tenté d’attribuer à ce genre d’ornement un caractère officiel et pres-