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se manifestent des phénomènes contraires. De là il résulte que la respiration végétale offre avec celle des animaux plus d’analogie qu’on n’était tout d’abord disposé à l’admettre, puisque, comme celle-ci, elle consiste en certains cas dans l’absorption de l’oxygène et dans la formation de l’acide carbonique. Il y a cependant entre ces deux respirations des différences essentielles. D’abord la plante produit de l’acide carbonique, non pour le renvoyer dans l’atmosphère, comme le fait l’animal, mais pour le tenir plutôt en réserve jusqu’à ce qu’intervienne de nouveau l’influence de la lumière; d’un autre côté, il faut faire la part des transitions qui ménagent tant de nuances : entre les deux extrêmes, la lumière directe et l’obscurité profonde, il existe une dégradation proportionnelle dans l’intensité des phénomènes respiratoires. On comprend sans commentaires l’importance de ces divers résultats. L’assainissement de l’atmosphère, la formation du bois[1] sont dus en définitive à ces minces membranes vertes, à ces feuilles qui semblent n’être à la cime du chêne qu’un ornement de luxe, un appendice d’importance secondaire.

Un dernier mot sur la feuille, dont on vient de voir l’action si utile et si complexe. La feuille n’est pas seulement un organe respiratoire; elle a un autre rôle qui, pour n’être pas nettement défini, n’en occupe pas moins sa place dans la série des problèmes si curieux dont s’occupe la philosophie botanique. Il existe entre les deux élémens constitutifs de la plante, la tige et la feuille, une sorte d’antagonisme. Qu’est-ce en effet que la tige, sinon l’expression de l’élancement? Cette force ascensionnelle, qui lui est inhérente dès son apparition, semble augmenter encore d’intensité à mesure qu’elle s’élève, de telle sorte qu’absolument parlant la tige n’a pas d’arrêt nécessaire. Indéfiniment elle monterait vers le zénith et vers la lumière, si un obstacle, un organe de limitation ne venait enrayer ce besoin d’expansion. Cet organe de limitation, ce point d’arrêt, c’est la feuille. Voyez pousser une tige vivace, elle monte verticalement sans doute d’une manière générale; mais en détail elle forme une série d’inflexions. Limitée à droite, limitée à gauche par ces appendices latéraux qui usent sa force et entravent son essor, elle semble fuir de bourgeon en bourgeon, s’échapper de feuille en feuille, jusqu’à ce qu’elle s’arrête enfin, épuisée par cette feuille tenace qui triomphe de sa force d’expansion, forme la cime de l’arbre et couronne enfin de ses vertes membranes le sommet de tous les rameaux vaincus.

Montons maintenant avec la tige jusqu’à ce dernier rameau, ce

  1. Grâce à la formation du bois, nous possédons une source de chaleur produite par la chaleur solaire. Surprenante transformation par laquelle la chaleur solaire se trouve pour ainsi dire emmagasinée dans les tissus végétaux !