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LE NOUVEAU LOUVRE.

tures redondantes, ces fantaisies des enrichis, des vaniteux de bas étage, ne lui semblaient pas à leur place dans ce palais où la France loge ses souverains. En empruntant à Pierre Lescot les arcades de la cour du Louvre pour en composer son portique, jamais l’idée ne lui fût venue de jeter autour des archivoltes, dans les tympans, des amas de feuillages les tapissant entièrement. Il eût, à l’exemple du maître, laissé la pierre nue autour de ces arcades, donnant à notre œil ce repos, aimant mieux lutter de pureté dans les profils que de prodigalité dans les décorations. Un autre exemple fait encore mieux sentir la différence des deux systèmes. Voyez ces statues de grands hommes dont ces portiques sont hérissés ; Visconti leur donnait une tout autre place. Au lieu d’en faire étalage, il les posait modestement chacune sous une arcade, et leur donnait par là non-seulement un abri, ce qui en assurait la conservation, aujourd’hui plus que compromise, mais une raison d’être. Ces personnages ainsi placés donnaient à ces portiques un peu de vie et d’intérêt ; ils les meublaient, les animaient, tandis que, perchés comme ils sont sur la tablette de ce bahut, en plein air, en butte aux intempéries de nos tristes saisons, sans la moindre harmonie de costumes ni de poses, ils n’embellissent rien, et ne sont pour le spectateur qu’un sujet de trouble et de fatigue. Pour planter ainsi des statues sur de grandes lignes horizontales, dans des édifices de ce genre, classiques sinon de fait, au moins d’intention, il faudrait imposer aux sculpteurs un certain rhythme, une certaine unité de style et de costume, un certain choix de gestes et de poses, un peu d’idéal en un mot. La bigarrure que nous voyons ici pourrait couronner les pinacles d’un monument à ogives, et par exemple le Duomo de Milan doit une partie de sa splendeur à l’incohérente forêt des statues qui le surmontent. Ces pointes, ces aiguilles, qui de tous côtés se dressent et s’élancent, sont en parfait accord avec l’esprit du monument ; mais ici qu’en voulez-vous faire ? Quelle dissonance, au milieu du calme de ces lignes, que ces pauvres grands hommes ainsi vêtus, ainsi posés ! On se prend à souhaiter malgré soi que la plaie, la neige, le soleil, tous ces agens de destruction qui chez nous rongent la pierre sans abri, aient bientôt fait justice de ce décor parasite. Quel beau profit de répudier ainsi des projets bien conçus pour le seul plaisir de changer, de ne pas accepter l’œuvre d’un autre ! Il est vrai qu’en étalant ainsi ces statues au dehors on croyait faire plus d’effet, jeter plus de poudre aux yeux, car tel est, à vrai dire, le principal, presque le seul mobile de tous ces changemens aux plans de Visconti.

Somme toute, le nouveau Louvre, dans sa première phase, au début des travaux, grâce au goût exercé qui veillait à la mise en œuvre et malgré nos réserves sur le défaut du plan, promettait