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Nous en voyons une preuve frappante dans un autre écrit du même auteur sur la capitale de l’Italie. Ce travail n’a rien perdu aujourd’hui de son intérêt, puisque pour bien des personnes, malgré la convention du 15 septembre, Florence n’est qu’une étape sur le chemin de Rome. Si M. Rey se prononçait, lui Genevois et libéral, pour Rome capitale, on ne manquerait pas de récuser son autorité. Voyez en effet de quel poids pèsent dans la balance les plus violentes attaques des Anglais contre le gouvernement pontifical! Mais n’être le courtisan, le flatteur de personne, pas même du fait accompli, aimer sincèrement les Italiens et leur fermer les perspectives qu’ils veulent tenir ouvertes, voilà sans contredit ce qui est digne d’attention.

M. Rodolphe Rey a pris une peine à peu près inutile, même pour l’époque où la question n’était pas décidée, en démontrant que Milan, Turin et Naples ne pouvaient prétendre à l’honneur de recevoir dans leurs murs le gouvernement et le parlement de l’Italie. Personne n’a jamais songé pour cet objet à l’héroïque, mais mobile Milan. Turin ne plaisait, comme capitale, qu’aux Piémontais dépourvus d’esprit politique et aux patriotes qui craignaient que le choix, même provisoire, d’une autre ville ne parût à la nation l’implicite abandon de Rome. Si grands que soient les services rendus par Turin, cette cité est trop étrangère au génie, aux arts, au climat même de l’Italie, trop mal défendue contre l’Allemagne et trop voisine de la frontière française, pour qu’elle pût se flatter de rester longtemps capitale, alors même que la France n’eût pas exigé, pour calmer les inquiétudes des catholiques au sujet de Rome, la translation du gouvernement dans une ville où il pourrait du moins paraître définitivement installé. Naples enfin est située trop au midi de la péninsule; sa position n’est pas centrale, elle est de plus mal défendue contre les attaques maritimes; M. Rey, l’histoire à la main, essaie de nous démontrer que les Napolitains, très propres à empêcher tout gouvernement de s’établir, sont incapables d’en soutenir aucun; ils sont d’après lui d’un esprit plus entortillé qu’habile, se prenant à ses propres pièges par excès de finesse, pleins d’exagérations dans les prétentions, et toujours défaillans à l’heure de la lutte, très susceptibles de valeur individuelle, mais incapables de courage collectif. Le portrait n’est pas flatté, et nous ne le croyons pas ressemblant de tous points; mais peu importe, puisque le débat n’est plus aujourd’hui qu’entre Rome et Florence.

Quels sont donc les argumens que M. Rodolphe Rey dirige contre Rome? Il y en a, s’il faut le dire, auxquels on pourrait répondre : ceux par exemple qui sont tirés de l’état actuel de Rome et du caractère romain. Sans doute la ville n’offre que des souvenirs antiques, et les classes inférieures à Rome ont de nombreux défauts; mais que ne pourrait-on pas attendre d’un gouvernement éclairé, libéral, sincèrement ami de la civilisation! C’est dans un autre ordre d’idées que l’opinion de M. Rey nous paraît puiser le plus de force. Il part de ce principe, qu’on ne peut bannir le pape de Rome, et