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LE NOUVEAU LOUVRE.

Le parcours est quatre fois plus long, et l’harmonie n’en est pas moins heureuse. Nous ne pouvons trop le redire, personne n’aurait fait mieux.

Et combien d’autres témoignages d’un talent délicat, soit sur de simples accessoires comme ces candélabres de bronze qui meublent le passage voûté et décorent le pourtour de la place Napoléon III, soit dans l’appropriation de certaines parties intérieures du palais ! La bibliothèque par exemple est combinée avec grand art et ne laisse guère à désirer qu’un peu plus de clarté dans l’une des salles. L’escalier qui conduit à cette bibliothèque, bien qu’un peu compliqué peut-être, est d’un effet très remarquable, et nous n’y saurions reprendre que l’aspect un peu grêle des supports et les galons gaufrés qui en amollissent les arêtes. Enfin dans l’autre partie du monument, dans la région qu’occupent les musées, les salles nouvellement ouvertes et si bien consacrées aux peintures de Lesueur sont du goût le plus irréprochable, et rachètent à force de distinction et de simplicité les trop célèbres magnificences et les excentricités plus qu’étranges de cette salle des États, qui par bonheur n’était que provisoire, et dont on nous promet la prochaine transformation.

On le voit donc, ou le talent de l’architecte est d’une inégalité sans exemple, ou la ligne de démarcation la plus claire nous fait voir les parties de son œuvre qu’il a lui-même gouvernées. Ce qu’il y a de plus triste, c’est que le temps, qui dans sa marche devrait lui porter secours, semble au contraire le désarmer. À mesure qu’il prend des années et qu’il acquiert plus de crédit et de nouveaux honneurs, au lieu de devenir plus ferme et de mieux résister, il semble plus enclin à céder au torrent. Dans l’ornementation du Louvre, tout excessive qu’elle soit, certaine intermittence se fait encore sentir. Le luxe immodéré l’emporte, mais non sans résistance, et par intervalles seulement. Il n’envahit pas tout, il se donne certain repos : on voit encore quelques pierres sans sculptures ; on peut par momens respirer, tandis que nous allons entrer dans une phase nouvelle de cette manie décorative qui depuis quinze ans s’est emparée de nous, nous allons assister à son règne absolu, sans frein, sans résistance, sans repos, sans contraste, le règne du luxe continu, de la broderie sur toutes les coutures, et non-seulement sur toutes les coutures, mais sur l’étoffe tout entière.


II.

Admettons sans difficulté qu’il y eût urgence à reconstruire quelques travées de la grande galerie. Le surplomb qui s’était déclaré dès le commencement du siècle par suite d’un remaniement im-