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velle serait terminée. La première hypothèse lui aurait semblé un désordre, la seconde une folie, tandis qu’en répétant au nord ce qui existait au midi il faisait d’un seul coup quelque chose de symétrique et de définitif. Voilà pourquoi MM. Percier et Fontaine se gardèrent bien d’inventer autre chose, et ne se mirent en frais d’imagination que du côté de la rue de Rivoli, en composant une façade un peu triste, mais non sans force et sans grandeur.

Eh bien ! nous admettons qu’aujourd’hui, grâce aux progrès du temps et aux vertus inépuisables de nos finances, nous soyons moins timides et moins parcimonieux que l’empereur Napoléon Ier, que nous nous imposions sans émoi, sans scrupule, l’obligation de reconstruire presque en entier et le palais des Tuileries et le bâtiment en retour jusqu’au pavillon de Rohan ; nous admettons que l’habitation et le service du palais en dussent devenir plus larges et plus faciles : restait, le principe admis, une question non moins intéressante et non moins difficile, la question d’art, l’emploi de tous ces millions. Allait-on tout régler, tout décider, comme pour le Louvre, en silence, à huis clos, sans la moindre consultation, sans le moindre appel à l’opinion, non pas même aux lumières du public tout entier, mais au goût exercé de quelques juges compétens ? Ce procédé sommaire et taciturne de décider les questions d’art était ici d’autant plus regrettable, que la moindre discussion, nous en avons la certitude, aurait battu en brèche le parti qu’on a pris.

Du moment en effet qu’on avait renoncé aux travaux de restauration, au rétablissement pur et simple de la galerie telle qu’elle était, un seul parti nous semblait acceptable, faire franchement du neuf, sans emprunt, sans imitation, inventer quelque chose, remplacer l’œuvre de Henri IV par une œuvre portant sa date, exprimant les idées, le goût de notre temps, et se donnant sincèrement pour ce qu’elle devait être, pour une création nouvelle, contemporaine de Napoléon III. Il n’y a d’art véritable qu’à cette condition.

Au lieu de cela qu’a-t-on fait ? Un pastiche, un trompe-l’œil, la reproduction de l’autre moitié de cette même galerie, celle dont l’honneur appartient, selon les uns à Henri II, selon les autres à Charles IX, ou pour mieux dire à sa mère. L’œuvre est exquise assurément ; mais, à Paris surtout, elle est assez connue pour qu’on pût s’épargner d’en faire une effigie. Passe encore si c’était un palais de Florence ou de Rome qu’on se fût proposé pour modèle : le principe ne serait pas meilleur, l’application serait au moins profitable. Les Parisiens apprendraient quelque chose ; pour eux, ce serait du nouveau, tandis que le modèle qui est là sous leurs yeux, ils le connaissent depuis trois siècles, et n’ont aucun besoin qu’on les en rassasie. C’est pourtant bien la satiété, ne nous y trompons