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veau soubassement deux ouvertures de moyenne dimension percées l’une sur l’autre, sans divisions ni supports apparens, à la façon de l’ordre colossal, font paraître le soubassement lui-même encore moins ferme, encore plus énervé qu’il ne l’est réellement. Peut-être avait-on moyen de raccourcir un peu ces pilastres, et par là de tout raffermir en ménageant entre les deux étages une frise en imitation de celle des frères L’Heureux. Quoique placée plus haut, elle eût encore produit un très heureux effet et bien divisé les deux ordres ; mais nous oublions les fenêtres, la seconde rangée de fenêtres percées dans le soubassement, et la recommandation qu’aura reçue l’architecte de les ouvrir aussi haut que possible, afin de donner plus de jour dans l’intérieur des logemens. Or, pour ouvrir ces fenêtres à la hauteur où les voici, il fallait que la frise, même la plus étroite, fût entamée par intervalles et subît autant d’échancrures qu’il y avait de fenêtres. Force était donc de se passer de frise, dût la façade en souffrir quelque peu, car en architecture c’est toujours le programme qui doit avoir le dernier mot.

Ceci nous conduit à compléter ce que nous n’avons fait tout à l’heure qu’indiquer en passant. Pour expliquer cette infériorité de la façade qu’on nous construit, comparée à celle qu’on imite, ce n’est pas assez de remarquer les inégalités du terrain, il faut songer aussi aux différences du programme. Les architectes de Catherine et même aussi ceux d’Henri IV avaient leurs coudées franches. En ce temps-là, bien qu’il y eût à la cour, comme dans tous les temps, nombre d’oisifs qu’il fallait héberger, on ne se mettait pas en souci d’assurer à chacun, dans les palais royaux, un logement indépendant. Les gens étaient moins difficiles ; ils partageaient les chambres et même aussi les lits, ce qui permettait à l’architecte de ne pas multiplier plus que de raison le nombre de ses fenêtres. De bons trumeaux bien larges, cette condition première de tout effet monumental, se rencontraient partout. L’habitude en était prise, et par exemple, dans cette galerie dont on prétend nous donner la copie, les ouvertures, largement espacées, sont séparées extérieurement par des niches abritant des statues, motif riche et meublant qui a le double avantage d’accidenter et d’orner la façade, tout en lui maintenant de grandes parties pleines et de solides repoussoirs.

Or voilà qu’aujourd’hui, grâce aux modernes exigences en matière de logement, on dit à l’architecte : « Ces niches, ces statues ne nous servent à rien ; ce sont des fenêtres qu’il nous faut. Supprimez-nous les niches et percez des fenêtres. » Jugez quel tourment pour l’artiste ! Ces ouvertures nouvelles qui lui sont imposées tombent précisément au point où l’édifice, par les lois de la construction, pour satisfaire et rassurer les yeux du spectateur, doit présenter sa force la plus grande : elles tombent au point de jonc-