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LE NOUVEAU LOUVRE.

tion, à la rencontre des frontons, et c’est là qu’on le force à établir un vide ! Aussi qu’arrive-t-il ? au-dessus de ce vide, au-dessus de chaque fenêtre nouvelle, vous voyez apparaître — quoi ? une souche de cheminée, un de ces petits simulacres d’autels ou de cippes antiques qui sont là sur ce toit, on ne sait trop pourquoi, mais au fond pour cacher quelques tuyaux de poêle. Une cheminée au-dessus d’une fenêtre ! quelle dure extrémité pour un homme de talent copiant un chef-d’œuvre ! Et cependant il a fallu se rendre et percer les fenêtres. Le pauvre bâtiment, le voilà tout troué ! deux fenêtres au lieu d’une, un vide au lieu d’un plein ! Et cela s’appelle imiter ! Dites donc contrefaire.

Au moins eût-il fallu, une fois ce parti pris, en accepter les conséquences, donner au bâtiment ainsi percé à jour sa vraie physionomie, convenir qu’on l’avait refait, que c’était quelque chose d’actuel, moitié caserne, moitié palais, et composer à son usage tout un système d’ornementation, moins coquet, moins chargé, plus simple et plus tranquille, laissant voir çà et là la pierre lisse et nue pour compenser les niches supprimées et le repos qu’elles procuraient. On pouvait maintenir la silhouette générale, la forme des frontons, alternativement aigus et arrondis, afin de conserver l’harmonie de l’ensemble, mais en se distinguant profondément du style du XVIe siècle dans les détails sculptés, de peur d’attirer l’œil sur de fâcheuses dissemblances en laissant subsister de trop nombreuses similitudes.

Essayez donc de parler ce langage dans ce temps de fièvre ornemaniste ! Retrancher des sculptures, omettre des broderies ! être moins élégans, moins riches que nos pères ! C’est le contraire qu’on a voulu et qu’on a fait. Par la raison qu’on sacrifiait à des nécessités un peu bourgeoises, on a redoublé de luxe et d’airs princiers. Tel est en tout l’esprit de notre époque, la confusion et l’amalgame des choses qui s’excluent, l’union des contradictoires. Voyez en politique, on pratique à la fois et la paix et la guerre : la paix, en adoptant, en propageant le libre échange, cette promesse de paix universelle, en en faisant la base de notre société, comme si le rêve de l’abbé de Saint-Pierre était déjà réalisé ; la guerre, en travaillant à raffiner sans cesse sur les engins de destruction, en cultivant les principes, en honorant les traditions de la politique de conquête. Ce n’est là qu’un échantillon des contradictions de notre temps. En toutes choses, nous prétendons nous ménager toutes les chances : que la porte soit ouverte et en même temps fermée. Faut-il donc s’étonner si les arts, comme tout le reste, sont atteints de cette maladie, si notamment l’art de bâtir est devenu tout à la fois, mesquin et luxueux, industriel et