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monde, on se passe de la psychologie. Si on la définit, comme fait M. Mill, l’étude de l’homme et une sorte de logique générale, la psychologie y est nécessaire. J’ai discuté ces deux définitions, et je n’y reviens pas; mais, à mon gré, je ne puis trop insister sur cette différence fondamentale qui sépare M. Comte et M. Mill, l’un étant au point de vue objectif, l’autre étant au point de vue subjectif. Pourquoi ne pas les combiner? dira-t-on. Les combiner, non, mais les subordonner. La conception positive du monde n’est qu’au prix d’une élaboration purement objective.

En n’ayant pas une psychologie, dit M. Mill, et c’est le troisième chef de son objection, on rend imparfaite la constitution de la sociologie, et l’on sait que, dans le système de M. Comte, la sociologie est indispensable à la philosophie positive. Contre ce reproche, ma distinction intervient et suffit. Ce sont les facultés telles que la biologie les connaît qui importent, car il faut que dans la sociologie rien ne se glisse qui soit contradictoire avec les données fondamentales de la physiologie cérébrale. M. Comte a usé des notions qu’on avait de son temps, ainsi qu’il a usé de celles qu’on avait sur la chimie ou la physique; comme pour la physique ou la chimie, elles ont suffi à son objet, et depuis rien n’est survenu qui ait démenti son œuvre.

Enfin le quatrième chef de l’objection est une inculpation prise au domaine de la logique, à savoir qu’on ne trouve pas dans la philosophie positive le critérium qui montre que les résultats obtenus l’ont été par un procédé régulier, et que l’induction qui a servi à former les vérités générales est légitime. Après avoir rappelé la revue que M. Comte a instituée des vérités de chaque science, M. Mill s’exprime ainsi : « Après tout, ceci reste une question ultérieure et distincte. On nous enseigne le droit chemin pour chercher les résultats; mais, quand un résultat a été obtenu, comment saurons-nous donc qu’il est vrai? Comment nous assurer que le procédé a été accompli correctement, et que nos prémisses consistant en généralités ou en faits particuliers prouvent réellement la conclusion que nous y avons fondée? Sur cette question, M. Comte ne jette aucune lumière; il ne fournit aucun critérium de vérité. » Puis, entrant plus particulièrement dans l’examen du procédé d’induction, capital en tout l’ordre scientifique, il ajoute : « Toutes les lois dernières sont des lois de causation, et la seule loi universelle au-delà du giron des mathématiques est la loi de causation universelle, à savoir que tout phénomène a une cause phénoménale et quelque phénomène autre que lui, ou quelque combinaison de phénomènes à quoi il est conséquent d’une manière invariable et inconditionnelle. C’est sur l’universalité de cette loi que repose la possibilité d’établir une règle de l’induction. Une proposition gé-