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LE NOUVEAU LOUVRE.

dimension normale, et attribués trois à l’aller, trois au retour, n’auraient-ils pas aussi bien fait l’affaire ? Et du moins vous n’auriez rien changé aux proportions de votre ordonnance, tandis que ces gigantesques voûtes rompent toute harmonie.

Suspendons, si l’on veut, notre jugement à ce propos, tant que l’étage supérieur ne sera pas en place, tant que le ravalement n’aura pas expliqué la vraie pensée de l’architecte. Nous ne constatons pour le moment qu’un fait acquis, que rien ne peut changer ; ce fait, c’est que les constructions qui s’achèvent en ce moment sont d’une telle importance et modifient d’une façon si notable l’ancien état de choses, que pour les reproduire de l’autre côté de la place, pour en donner un exact pendant, ce n’est pas un simple placage, un simple remaniement qu’il faudrait entreprendre, c’est une reconstruction de fond en comble, et Dieu sait à quel prix ! Voudra-t-on nous lancer dans de telles aventures ? Nous n’osons rien prédire, car la manière dont les travaux actuels ont été mis en train, sans que la portée en pût être comprise, n’a rien de très rassurant ; mais les choses qu’on fait une première fois, on n’est pas toujours apte à les recommencer. Le public était convaincu, lorsqu’il vit démolir la galerie d’Henri IV et le pavillon de Flore, qu’on allait les refaire exactement tels qu’ils étaient. Il acceptait cette reconfection comme un cas de force majeure ; mais maintenant qu’il voit ce qu’on a fait, on est moins bien placé pour lui dire : laissez-nous en refaire autant. Aussi nous avons quelque espoir que cette fois du moins la question ne sera pas entièrement résolue avant d’être posée. On n’aura plus cet argument magique dont on a fait si merveilleux usage, la vétusté des bâtimens. Ici c’est le contraire, la plus grande partie des murs qu’il faudrait démolir ne datent que d’hier. Refaire à neuf dès aujourd’hui ce qu’ont bâti Napoléon Ier et même Napoléon III, c’est pousser un peu loin l’amour de la symétrie. Il est vrai que sans plus de raison on a, depuis quinze ans, fait parfois bon marché d’œuvres non moins récentes, d’œuvres impériales, témoin l’escalier du musée, la création par excellence de MM. Percier et Fontaine, la gloire à peu près unique de l’architecture de ce temps-là. On n’a pas fait le moindre effort pour en tirer parti dans les nouvelles constructions, on l’a démoli sans pitié ; il n’en reste plus trace, et dans la même cage, ou peu s’en faut, on se promet d’en construire un autre. Qu’un des gouvernemens précédens eût toléré ce sacrilège, les amis de l’empire l’auraient pour le moins lapidé : ils n’ont pas dit mot cette fois ; on se passe tout en famille. D’où il suit que, le cas échéant, on pourrait bien laisser encore abattre sans émotion et en silence l’aile de la rue Rivoli, bien que bâtie par deux Napoléon. Si donc l’espoir nous reste que