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Quant aux épargnes disponibles, elles ont en partie pris cette direction ; beaucoup ont été consolidées dans des travaux d’une utilité contestable et d’un rendement médiocre ou nul, beaucoup ont été englouties dans des entreprises imprudemment conçues et mal exécutées. Les sociétés à responsabilité limitée en ont absorbé une bonne part : il n’y aurait encore que demi-mal, si le passé pouvait se liquider au moyen du sacrifice déjà subi ; mais presque toutes ces sociétés n’ont eu que le nom de la responsabilité limitée, du moins quant aux sommes versées. Les fondateurs, afin de trouver plus facilement des souscripteurs, leur ont demandé une faible partie du montant des actions ; ils faisaient ainsi briller l’attrait d’un capital imposant, et reportaient sur l’avenir la charge du présent. La maison Overend, Gurney and C° limited n’avait fait verser que 15 livres sur 50. L’actionnaire ne s’en trouve pas moins engagé pour le surplus, il est tenu de parfaire tout ce que le déficit constaté peut exiger. C’est en fait une sorte de responsabilité illimitée qu’il encourt, et les inquiétudes répandues rendent cette perspective fort sombre ; elles pèsent sur tous ceux qui ont eu le malheur de s’engager trop légèrement dans des opérations dont ils ne mesuraient pas la portée. Nombre d’entreprises ont ruiné déposans et actionnaires en laissant encore ceux-ci sous de graves engagemens.

Les fatales découvertes faites à cet égard ont révélé que beaucoup de capitaux souscrits et beaucoup de dépôts réalisés étaient consacrés à de mauvais placemens. Rien de plus naturel par conséquent que la furie avec laquelle l’Overend-frîday a vu les intéressés se précipiter sur toutes les caisses. Une réaction violente se faisait jour contre la confiance des trois dernières années. La panique financière (credit panic), tel est caractère saillant de la dernière crise. Le Times a beau dire dans un langage pittoresque que toutes les paniques viennent du crédit ébranlé, comme tous les poissons sortent de l’eau. Il est impossible de se méprendre sur la physionomie que présente celle qui vient d’affliger l’Angleterre. À l’exception de quelques spéculations immodérées sur le coton et le fer, le commerce était sain, l’industrie vigoureuse, les récoltes n’avaient pas manqué. L’act de 1844 avait élevé une digue infranchissable contre une crise monétaire proprement dite. Les signes principaux de la tourmente de 1825 et de celles de 1837, 1847, 1857, 1864, manquaient en grande partie. Par contre jamais les signes précurseurs d’une crise financière ne se présentèrent plus complets et plus menaçans, jamais aussi le choc subi n’arriva avec cette rapidité foudroyante.

Le mal, quelque grave qu’il paraisse, nous semble moins profond il laissera des traces moins sensibles. Répétons-le, si les banques