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n’est plus digne d’étude. Par quel mystérieux concours de circonstances cette contrée a-t-elle été ainsi exclusivement réservée aux travaux de ces missionnaires, et d’où provient l’abstention volontaire des puissantes sociétés que l’on voit ailleurs si ardentes à la propagation de la foi catholique? Alors que dans les mers du sud par exemple chaque île sert de théâtre aux fâcheuses rivalités des deux grandes branches de la religion chrétienne, ici au contraire l’esprit aime à se reposer au spectacle du touchant accord des diverses sectes qui se sont partagé la commune moisson. Les faits parlent d’eux-mêmes : là treize sociétés de missions protestantes sont à l’œuvre côte à côte, non dans la triste pensée d’élever autel contre autel, mais animées d’une généreuse émulation pour les progrès de l’Évangile et de la civilisation. J’insiste sur ce point, parce que ce n’est malheureusement pas toujours sous cet aspect que se montrent les missions chrétiennes à l’étranger, et qu’il est difficile de ne pas se laisser aller parfois à une pénible impression de doute et de découragement au spectacle trop répété de leur imperturbable confiance et de leurs fréquentes déconvenues. Combien de fois un missionnaire a-t-il cru qu’il lui suffisait de mettre le pied en un pays pour que les habitans fussent déjà plus qu’à demi convertis, et retenus seulement par la crainte de l’autorité! De là ces constantes incursions dans le domaine temporel, cette âpre recherche d’influence et de domination que l’on regrette de rencontrer aussi souvent dans les fastes de ces lointaines annales. Les choses se sont autrement passées dans l’Afrique méridionale, et il est d’autant plus juste de le reconnaître que nous aurons bientôt à constater à Siam l’un des échecs les plus complets des missions protestantes. Je sais que l’on s’est souvent égayé aux dépens de ces pasteurs évangélisant en famille : il est vrai que leurs noms figurent rarement sur les listes d’un sanglant martyrologe; mais peut-être en serait-il de même ailleurs, si l’apostolat s’y était toujours renfermé dans les limites naturelles qui lui sont assignées. Aussi nous bornerons-nous à exposer ici les résultats obtenus.

L’histoire en est simple et ne remonte guère au-delà du siècle : le premier apôtre de cette église fut le docteur Vanderkemp, qui mourut sur la brèche au bout de douze années de labeurs. Son nom est encore vénéré chez les Cafres et les Hottentots. Officier distingué de l’armée hollandaise, connu par de remarquables travaux scientifiques et littéraires, jeune, riche, il avait tout quitté pour aller où. l’appelait sa vocation. La voie était ouverte, d’autres suivirent, si bien qu’aujourd’hui, dans le vaste triangle découpé sur le continent africain par le cap de Bonne-Espérance et le vingt-cinquième parallèle de latitude sud, il est bien peu de tribus sau-