Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/976

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nit l’occasion de modifier la population par des mouvemens de tribus, de manière à établir irrévocablement sa domination. Plus tard, plus de 2,000 soldats de la légion anglo-allemande de la guerre de Grimée furent établis dans le pays à titre de colons militaires. Aussi n’est-ce pas trop s’avancer que de conclure dans un avenir prochain, pour cette province, de l’annexion à une assimilation malheureusement trop facilitée par la mortalité des indigènes[1].

L’Angleterre ne se bornait pas à attaquer ainsi la Cafrérie par le sud ; elle agissait au nord dans le même sens en y créant la colonie de Natal, destinée à devenir l’une des plus solides, sinon des plus vastes, de ses possessions d’outre-mer. Tout au plus quelques curieux de géographie connaissent-ils en France ce petit pays, grand comme l’Ecosse, dont les Boers s’emparèrent en 1836 sur les indigènes, pour s’en voir ensuite expulsés eux-mêmes en 1842 par les Anglais. Cependant lorsqu’en 1856 la Grande-Bretagne fit largesse de constitutions à toutes ses colonies, la Natalie ne fut point oubliée, et quoiqu’elle ne comptât guère à cette époque que 10 ou 12,000 Européens, on ne l’en dota pas moins de ses deux chambres électives, tout comme s’il se fût agi d’un Canada ou d’une Australie. Peut-être alors cette générosité était-elle hors de proportion avec l’importance du pays, mais on n’en aime pas moins la noble confiance avec laquelle la mère-patrie faisait ainsi dépendre l’avenir de ses colonies du principe de liberté qui avait fondé sa propre grandeur. Toujours est-il que Natal justifia toutes les espérances. On n’y avait d’abord vu qu’un pays merveilleusement propre à toutes les industries agricoles et pastorales ; plus tard on découvrit que les terrains qui bordent la côte, sur une superficie de 4 à 500,000 hectares, étaient d’une admirable qualité pour la culture de la canne, et c’en fut assez pour qu’en dix ans l’exportation du sucre s’élevât à 4,000 tonnes. De 1850 à 1864, l’ensemble des importations était monté de 2,775,000 francs à 14,792,000, et celui des exportations de 390,000 francs à 5,506,000 ; mais, puisque nous étudions ce spécimen de colonisation anglaise, voyons par les faits ce que sont les termes pratiques du problème de l’émigration à Natal : les chiffres que nous donnons ont pour garant l’autorité de l’un des colons les plus distingués du pays, M. James Arbuthnot, mort il y a quelques années à Umzinto.

Il est rare qu’une colonie anglaise se crée dans de bonnes conditions sans être promptement doublée d’une solide compagnie d’émigration. La compagnie de Natal s’engageait au début à transporter

  1. En 1858 par exemple, une famine fit de tels ravages dans la population, que, le recensement de 1857 ayant accusé 104,721 Cafres, celui de 1858 n’en donna que 52,535.