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çois Ier et Henri II sont des souverains modernes ; ces paladins couronnés se liguent avec les Turcs, ces défenseurs de la foi brûlent les protestans en France, mais sont leurs alliés en Allemagne ; ces prétendus imitateurs de l’Amadis de Gaule sont, à les bien examiner, les disciples de Machiavel.

Ce n’est qu’à la surface que les amours de Henri à et de Diane de Poitiers ont quelque chose de chevaleresque. La favorite n’a rien de la naïveté et de la tendresse des châtelaines du moyen âge. Un écrivain qui déclare préférer Brantôme à Montaigne, et qui s’est fait l’apologiste de toutes les reines de la main gauche, a inutilement essayé de représenter sous des couleurs idéales le caractère de Diane. Les réhabilitations de ce genre ne peuvent rien contre le sens moral, contre la conscience de l’histoire ; ce n’est pas en effet chose facile que de vanter l’adultère lorsqu’il n’a pas même pour excuse la force et la sincérité de la passion. On a dit de Mlle de La Vallière que l’homme qu’elle aimait, c’était Louis et non pas le roi. L’homme qu’aimait Diane, c’était le souverain dispensateur des grâces et des bénéfices, le monarque riche et puissant dont elle possédait le cœur et le trésor. Pour de pareils scandales, l’histoire, si elle veut se respecter, ne doit pas avoir de complaisances. M. George Guiffrey, qui vient de publier dans une édition de luxe tirée à très peu d’exemplaires les lettres inédites de Diane de Poitiers avec une introduction et des notes aussi intéressantes que substantielles, nous semble avoir bien compris le caractère de la favorite. Procédant avec une méthode d’analyse et d’investigations approfondies, il s’est préservé de tout parti-pris et de toute exagération. À la différence de la plupart des biographes, qui, se passionnant pour ou contre leurs personnages, en font le sujet d’un dithyrambe ou d’une satire, M. Guiffrey a jugé Diane sans enthousiasme et sans colère. à ne s’est pas, comme l’infatigable courtisan des reines de la main gauche, laissé éblouir par la chasseresse mythologique, divinité de la renaissance ; il ne l’a pas dépeinte, comme M. Michelet, sous des couleurs fantastiquement sombres: il l’a montrée telle qu’elle était, ni meilleure ni pire que son époque, dont elle résuma l’élégance et les vices, la beauté matérielle et la laideur morale.


I.

Diane de Poitiers, née à la fin du XVe siècle, en 1499, était issue d’une des plus anciennes maisons du Dauphiné, et son père, Jean de Poitiers, comte de Saint-Vallier, avait du crédit dans sa province et à la cour. Toute jeune encore, elle épousa le grand-sénéchal de Normandie, Louis de Brézé, comte de Maulévrier, qui, au dire de Brantôme, était un des seigneurs les plus laids de France, bien qu’il fût par sa mère petit-fils de la belle Agnès Sorel et du roi Charles VII. Louis de Brézé avait alors quarante-cinq ans, et sa jeune femme n’en comptait pas encore seize ; mais, malgré cette dif-