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est rare de pouvoir se prononcer sur des événemens contemporains avec une pareille certitude expérimentale. Cette ampleur et cette sûreté d’informations permettent au critique de s’abstenir de toute animadversion personnelle contre les acteurs de la politique et de ne juger que le fond des choses, d’absoudre au besoin les hommes lorsqu’on ne peut se dispenser de condamner les systèmes. Or ce qui frappe dans les accidens de l’affaire d’Allemagne et de l’affaire du Mexique, ce sont bien plus les dangers d’un système que les fautes des personnes. On ne saurait contredire ceux qui affirmeront que, si la pensée collective qui se dégage des intérêts, de la raison, des traditions du pays, avait été en mesure de prendre une participation plus large, plus assidue, plus ferme aux conseils et aux résolutions du gouvernement soit par une grande liberté de discussion dans la presse, soit par une initiative, plus régulière et plus constante de la part de la représentation nationale, la Prusse n’eût point trouvé une occasion si soudaine et si facile d’arriver à la domination de l’Allemagne, et que nous ne serions jamais allés au Mexique pour occuper pendant plusieurs années trente mille hommes de nos meilleures troupes à la fondation d’un empire de fantaisie. Nous voudrions, quant à nous, que l’on ne parlât du passé des affaires allemandes et mexicaines que pour mettre en lumière, sans acrimonie contre les personnes, l’éclatante leçon et l’avertissement grave que les événemens viennent, de nous donner sur la valeur des systèmes en Europe et en Amérique.

Suivant nous, ce serait surtout au gouvernement, qu’il siérait de reconnaître l’enseignement de cette expérience et de la faire tourner ainsi à son profit et au profit du pays. Dans les circonstances solennelles où nous nous trouvons, tout va dépendre du ton que le gouvernement prendra dans ses prochains rapports avec la chambre, et par la chambre avec le pays. Cette rencontre du gouvernement et de la chambre sera une importante épreuve, et il vaut la peine d’y songer déjà. Finissant l’expédition du Mexique et proposant avec une vigilance patriotique une réforme urgente de l’armée, le gouvernement a deux tâches : il faut que d’une part il sollicite la résignation du pays à un échec avéré, et que d’une autre part il obtienne de la raison et du cœur de la nation un viril sacrifice. On ne peut évidemment point entreprendre deux choses semblables d’un air dégagé, avec une frivole hauteur, comme s’il ne s’était rien passé. En présence d’erreurs et de déceptions manifestes, l’attitude et la prétention de l’infaillibilité seraient aussi malheureuses que maladroites. On ne peut nous signifier la retraite du Mexique comme une prise de congé, et nous demander de doubler le nombre des Français appelés à combattre comme on donnerait une consigne. Nous ne conseillerions point non plus au gouvernement de chercher de stériles apologies dans la discussion des faits qui nous ont menés où nous sommes, de plaider les circonstances atténuantes. Le parti le plus noble et le plus sage n’est point de battre en retraite en tirail-